De la difficulté du passage à l'acte
Il est courant de dire qu'entre la théorie et la pratique il y a un monde. Ce n'est pas toujours vrai, mais acceptons l'idée. Au moins pour m'aider à faire une transition et un parallèle.
C'est aujourd'hui plus souvent entre l'acceptation d'une idée et sa mise en application que je vois un monde. J'en veux pour exemple le plus flagrant la recherche de bien-être pour prendre un terme global. Nos relations humaines sont souvent décriées et chacun y va de sa solution afin de les apaiser. On appelle à l'aide philosophes, sociologues, figures de l'histoires et psys de tout poil. On leur chipe un aphorisme ou deux bien sentis qui correspondent parfaitement à ce qu'on pense. On prend une leçon d'humanité. Mieux, on "like", on diffuse, on partage. En général, c'est parfumé d'amour universel, de solutions définitives et malheureusement de généralisations réductrices. Si on va plus loin, on lit des bouquins, on apprend des méthodes, on enregistre des techniques. Plus loin encore, on expérimente tantôt la méditation, tantôt les Evangiles, un zest de bouddhisme et une séance de techniques de communication ou de régime miraculeux censé nous rendre notre âme d'enfant ou notre peau d'animal. Bien gavé à la pierre philosophale, plus belle que celle du voisin, on en fait la promo. C'est la quinzaine de l'immaculé. On brade, on vante, on offre sans retenue, on s'emplit l'âme de paix sur terre et de fraternité définitive.
Puis...
on trouve toutes les raisons (souvent extérieures à soi) pour ne pas appliquer au quotidien tout ce qu'on a jugé bon pour soi et pour son prochain. La mise en application demande éveil permanent, cohérence, rigueur, efforts et ajustements. C'est bien plus difficile. Accepter une idée c'est déjà faire un pas certes, mais la rejeter le lendemain en faisant l'inverse, par automatisme ou paresse, c'est très dangereux. On va avoir affaire à soi ! Car l'ignorance passe encore, mais le savoir sans la pratique, c'est très culpabilisant. Qu'en plus, on trouve sur son chemin un rappel des engagements passés et des résolutions non suivies d'effet et l'estime de soi prend quelques claques.
Alors, on a toujours le choix entre la tranquillité d'esprit en choisissant la cohérence et le calvaire de la culpabilité.
Les mots "bienveillance" et "compassion" font leur chemin virtuel comme petits lapins et les mêmes qui vous citent le Dalaï-lama prônant ces comportements, s'empressent de critiquer leur patron, leur femme ou leur voisin. L'amour universel valorisé sur le papier s'arrête au bout de la rue dès qu'on quitte son chez soi. L'argent ne fait pas le bonheur mais on court après à la fin de la lecture. Etc. etc.
Bien sûr, si vous avez fait quelques passages télé et vendu quelques millions d'exemplaires vous avez quelque crédit si vous dénoncez l'incohérence du comportement. Mais si vous n'êtes que vous, vous ne valez que vous. C'est-à-dire rien. Si Christophe André dit, comme je le citais ici, il y a quelques jours, que tout marche à condition qu'on le fasse, on a une petite chance d'être secoué. Si c'est vous qui le dites, vous avez perdu la partie d'avance, vous voulez donner des leçons. Pourtant vous dites la même chose. Exactement.