L'action refuge
Rester immobile ne fait pas beaucoup avancer, dirait n'importe quel imbécile.
Certes. Mais, agir pour agir, se réfugier dans l'action, ne donne pas de meilleurs résultats. C'est pourtant devenu très tendance.
Cumulards et brasseurs de vent sont légion. Les mini-cartes de visite ne font plus l'affaire, il faut des parchemins pour lister les fonctions. Père de famille et acteur amateur, comptable et bouddhiste, membre du club de macramé et pianiste à ses heures, parent d'élève et touriste, cuistot du dimanche et marathonien, président du syndic et footeux vétéran, consommateur avisé et altermondialiste engagé, facebookien et bouliste, syndicaliste et supporter, jenpasse et desmeilleures. Tout ça peut tenir en un seul homme.
Mais comment font-ils ? Bons à tout, bons à rien ? Héros des temps modernes ? Stressés volontaires ? Suicidaires stratégiques ? Agités du bocal ? Victimes consentantes* ?
Combleurs de vide intérieur me semble mieux convenir à ce spectacle. Fuyeurs de l'introspection apeurés d'avance par ce qu'ils pourraient trouver en s'arrêtant, en se remettant en question, m'apparait assez évident.
Le "toujours plus de la même chose" fera l'affaire et justifiera l'action qui de cause deviendra conséquence. Il sera toujours plus aisé de se plaindre, du temps qui manque, de la fatigue, de l'approximatif, de l'accident cardiaque, de la vie ratée, de l'immobilisme des autres.
L'action n'est pas parfaite ? Vite, une autre action pour réparer. Et rien ne se répare. Forcément.
Tombés dans des sables mouvants, ils s'agitent et s'enfoncent. Ne leur expliquez pas, ils ne veulent pas comprendre. Agir, bouger, c'est leur credo. Réfléchir, c'est pour les feignants.
Le nez dans le guidon n'est ni une obligation, ni une fatalité. Il n'y a aucun héroïsme à sur-agir. L'humilité voudrait qu'on fasse moins et bien et l'orgueil pousse à montrer, démontrer, justifier.
Même ceux qui dénoncent une société de compétition et de paraitre s'adonnent à ce sport sans le savoir. Opposants d'un système, ils entrent dans la danse et le perpétue.
Ce n'est pas agir qui les intéresse, c'est montrer qu'ils agissent, tous sous la dictature du regard de l'autre.
Ils aiment beaucoup avoir des papiers partout et nous expliquer que c'est leur bordel organisé, que c'est comme ça qu'ils s'y retrouvent. Pendant ce temps-là, on fait illusion. Si le voisin à un bureau vide et une mémoire et des tiroirs pleins, qu'on se le dise, c'est un paresseux.
Mais les projecteurs sont plus doués pour éclairer l'action, le mouvement et adorent par dessus tout l'agitation et le spectacle.
N'a plus de valeur que ce qui se voit, puisque ne se vend que ce qui se voit.
Et le pire c'est que souvent, on agit pour se montrer à soi même. On se rassure cinq minutes, puis on retourne dans la roue à courir comme un hamster... toujours plus vite et toujours au même endroit... dans sa cage.
* Excusez le pléonasme