Comprendre, compassion, complaisance...
Comprendre n'est pas accepter. S'arrêter à la compréhension d'un ressenti, d'une douleur psychologique ou d'une réaction, c'est laisser l'ouverture à la récurrence.
"Je comprends ta peine" permet de se donner bonne conscience en se croyant bienveillant, de se donner un beau rôle ou une bonne image en se montrant humain, de soulager une douleur dans l'urgence.
Mais cela ne suffit pas. Ne rien faire d'autre, c'est laisser la possibilité de voir se répéter le phénomène. Et si c'était même plus coupable et plus condamnable que de ne rien faire du tout ? Car c'est aussi laisser l'autre dans la croyance qu'il ne peut que cela, qu'il n'est pas capable de passer au-dessus d'un ressenti, pas capable de cicatriser une blessure, pas capable de résilience, pas capable...
En revanche, comprendre et accompagner plus loin, plus haut, c'est rendre le pouvoir à l'Autre sur lui-même, l'estime d'abord, la confiance quand de petis pas seront réalisés, la dignité de pouvoir se tenir droit parce qu'on a accompli des choses, la liberté de décider soi-même pour soi-même, un horizon plus large, plus clair, plus net.
Laisser l'Autre dans son désarroi, c'est risqué bien sûr. Il pourrait enjamber la fenêtre. Mais c'est parfois salutaire, cela l'oblige à se prendre en mains plutôt que d'attendre en permanence un baume apaisant superficiellement. "Je veux me plaindre, qu'on m'écoute et qu'on me plaigne. Je ne veux pas qu'on m'aide à sortir de mon mal-être, j'y suis si bien. A condition que vous soyez là pour me porter". Ne comptez pas aider les gens en leur donnant ce qu'ils demandent. Faites-vous détester s'il le faut mais apportez-leur ce que vous pensez être bon pour eux. La vision étant toujours et c'est impératif à plus long terme. En un mot travaillez sur le structurel et non pas sur le superficiel.
Comprendre, c'est bien. Faire comprendre c'est bien mieux. La compassion est une chose et la complaisance en est une autre.