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15 février 2013

Le miroir de Sabrina

25 juin 2012 (18)

La perceuse du voisin traversa la cloison. Le miroir, dans lequel Sabrina scrutait son âme entre les ridules, se brisa net.
Au sol, ne se reflétaient plus que des morceaux d'une histoire éclatée. 
Le choc fut terrible.
Des fragments de soi, à plat, usés, vieillis, sans autre lien qu'un air de famille lointain et des bords tranchants prêts au combat.
"Je ne me ramasserai pas" se dit Sabrina avant de vaciller.
Assise sur le rebord de la baignoire, main droite sur le lavabo, elle concentre sa réserve d'énergie à chercher du sens.
Aussi, elle n'entend pas qu'on sonne à la porte. Le voisin sans doute. Briseur d'image ou révélateur de vérités.

La quarantaine désabusée, Sabrina faisait le point. Elle n'en n'avait ressenti aucun besoin. Tout allait bien.
"Inquiétant !" lui soufflait-on. "A quarante ans, tu dois ressentir le besoin de faire le point. C'est comme ça"
Amis, amants, magazines et reportages télévisés lui répétaient tous la même chose. Elle finit par s'en convaincre et c'est alors que tout commença.

Elle, qui avait consacré sa vie à assouvir ses désirs découvrit regrets, remords et culpabilité. 
Même pas mère à son âge ? Que pouvait-elle connaître de la vie ? 
Ah ça, collectionner les amants, elle savait le faire, et sans se cacher en plus ! Si. Une fois. Car les paroissiens du canton devaient pouvoir continuer à faire confiance à leur curé.
Parce que Madame est croyante. Tellement croyante qu'elle bouffe du Bon Dieu par ses représentants. Pour s'en rapprocher.

Car cette foi était née d'un remerciement pour un cadeau du ciel offert le jour où elle a "vu le loup". 
Elle avait entendu mille choses concernant des douleurs, des déceptions, des possibilités de ne jamais connaître un vrai plaisir, qu'elle avait reporté la découverte assez tard.
La première fois, elle crut que ce loup-là était expert. Dès la seconde, elle comprit que l'expert était inscrit en elle. Elle ressentait tout sans limites. Rideaux, plafond, sommets, septième et huitième ciels, elle y grimpait à chaque fois, sans honte et sans modération.
Alors, elle passa son temps à faire des vérifications orgastiques et à rattraper son retard. Du balourd au délicat, du puceau au grabataire, de la collègue à son mari, le jour ou la nuit, c'était toujours le même effet, Byzance, Versailles, l'Amérique et le zénith, tous ensemble... et à chaque fois.

Vingt ans plus tard, la voilà, sur un rebord de baignoire à dévisager des morceaux d'elle, tranchants comme des poignards. Parce que des imbéciles, jaloux et frustrés, Tartuffes de banlieue, ont voulu protéger leur médiocrité.

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