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1 mai 2013

Marianne 2/2

(Lien vers Marianne 1/2)

 

15

Jamais jumelles n’auront été si différentes. Sorties du même ventre ? Impossible, pensaient l’une et l’autre.

Vingt ans de vie commune à ne pas s’entendre, ni s’écouter, à ne pas se comprendre, ni s’apprécier. Elles étaient, à elles seules, le dictionnaire des antonymes. A la blonde, le sucré, la mode et les garçons. A la brune, le salé, le football et les filles. De recherche d’identité en esprit de contradiction, elles avaient construit une ligne de démarcation rassurante et hermétique mais tranchante et dangereuse.

Pour les copines, elles étaient "fille unique". Aucune des deux n’aurait revendiqué un quelconque lien de parenté avec l’autre. Chacune leur tour et parfois en même temps, elles faisaient le malheur de Marianne, leur mère désespérée. Elle qui avait bousculé toutes les conventions, qui avait réalisé les plus grandes de ses ambitions, avait aussi enfanté deux filles-récipients, une cruche et une gourde.

La première courait les castings pour épouser une carrière indéfinie entre actrice et poule de luxe. Des photographes free-lance profitaient horizontalement de son ingénuité et les chirurgiens-esthétiques entendaient le bruit du tiroir-caisse dès qu’ils l’apercevaient. Une caricature de fille.

La seconde voulait sauver des vies déguisée en garçon. De pompier bénévole, elle visait le professionnalisme à force d’engagement et de sacrifices reconnaissables et flatteurs d’égo. Une caricature de fille.

Un quart de siècle plus tôt Marianne avait claqué la porte et inventé un Rastignac féminin et éthique. La capitale, bonne copine, la construisit. Elle voulait deux filles. Elle les eues. En même temps. Pour faire plus vite. Elle les éleva. Seule. Pour faire plus simple. Sa carrière d’avocate et ses positions féministes lui avaient valu mille récompenses et une réputation de force de caractère hors du commun. Mais rien n’était parfait. Cette mère avait acquis la certitude que parfois les chiens font des chats.

Elle ne digérait pas l’idée que les ambitions des unes valaient celles des autres. Sa paire de jumelles ne voyait pas loin. Bien qu'aux antipodes, elles se retrouvaient dans leur mollesse. Pas le genre à claquer des portes, à bousculer le temps, à réécrire l’avenir. Marianne voyait ses filles comme dans un tableau de Dali, portes et pendules molles, dégoulinantes, sans structure, sans squelette.

C’est triste d’avoir honte de ses enfants.

Les journaux dissertèrent quelques jours sur la femme symbole qui avait maîtrisé son destin... jusqu’au bout. Et le comité des Nobel regrettait de ne pouvoir remettre un prix à titre posthume. 

Pendant que deux jeunes adultes orphelines jetaient, l’une une rose, l’autre une violette, dans un trou hostile et médiatisé.

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