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15 mai 2013

Le premier Marathon d'Eric

Je vous propose aujourd'hui de partager le récit qu'Eric m'a fait de son Premier Marathon. Je n'en dis pas plus et interviendrai peut-être plus tard en commentaire.

"Il y a 9 mois, après avoir migré en Dordogne, et le dos encore engourdi du déménagement, mon ami Claudio me propose  d’aller courir, je me laisse une porte de sortie puis refuse. Trois jours plus tard,  plus motivé, je l’accompagne.

Footeux de naissance j’ai toujours pris le jogging comme une obligation plus que comme un plaisir. Nous sommes restés quelques semaines ensemble et je n’ai plus laissé aucune porte ni fenêtre se mettre en travers de notre sortie jogging.

Si bien qu’en Août, ambitieux  et inconscient, je lui demandais si c’était raisonnable de préparer le marathon de Nice-Cannes 2012 (3 mois après). Gentiment il m’expliqua que c’était impossible tout simplement, qu’un Marathon était chose particulière et que plusieurs étapes devaient être franchies avant une telle échéance, il m’orienta avec raison sur un semi Nice-Monaco fixé en février 2013.

Depuis ce mois de juillet je n’ai jamais lâché l’affaire (3 sorties par semaine, 110 kms par mois). La course a pris une place importante dans ma vie et c’est un euphémisme. Puis se sont rajoutées des notions de psychologie, d’introspection, d’échappatoire voire d’exutoire et une perte nette de 10 kg sur la balance.

Toujours en point de mire, et rassuré par un bon semi en février, Le Marathon.

P1200335

J’avais opté pour celui de Blaye (33) le 11 mai 2013 parce que : l’estuaire de la Gironde et ses parfums d’Atlantique, une dimension humaine (400 participants), une date cohérente dans mon calendrier.

Un contexte perso assez compliqué le dernier mois venait bouleverser une préparation assez sérieuse, et me voilà arrivé à la date fatidique sans aucune certitude et je l’avoue avec un mélange de peur et de concentration.

Après en avoir beaucoup discuté avec Claudio, avoir lu et relu les récits des uns et des autres, surfé sur les sites spécialisés, ma stratégie était limpide : courir le plus lentement possible le plus longtemps possible avec l’objectif de finir tout simplement. A noter que la patience n’est pas ma plus grande qualité.

Départ sous la pluie presque agréable car faible et 13°C, on positive forcément dans ces moments-là, et on goutte avec plaisir à cette fraîcheur.

12 premiers kms en 63 mn. Super content parce que réellement concentré. Pas essoufflé. J'ai pris le temps de boire, me ravitailler. L'impression d’être un bon élève.

Le peloton va plus vite que moi, l’impression de me faire beaucoup doubler rajoute à ma sensation de comportement sérieux, raisonnable... et contre nature.

P1200333

La pluie s’est arrêtée et je passe au 25 ème en 2h 12mn, je suis euphorique, je ne me reconnais pas. Je suis régulier et ai l’impression de ne pas avoir couru, quasiment. J’ai beaucoup bu, trop peut-être (déjà 3 pauses pipi), je décide donc malgré mes auto-promesses, d’accélérer un peu. Je regretterai beaucoup ce choix : plus de côtes, plus de vent, des chemins boueux (en tout 5 kms de chemins de terre entre les ceps de vignes sur ce Marathon) viennent accentuer cette mauvaise décision, cette prétention.

Certes elle me permet, outre le fait de doubler beaucoup à mon tour, de garder le rythme jusqu’au 34ème où je passe en 3h 00, je me souviendrai toute ma vie de ce 34ème km. En haut d’une petite côte une décharge électrique alerte l’arrière de ma cuisse gauche. Crampe !

Je n’ai rien vu venir, j’ai même cru que je ne connaitrai pas le fameux mur tant décrit.

Cette simple crampe va transformer ces 8 kms en calvaire. Non pas l’envie d’arrêter ou un état psy dégradé ou même une perte de lucidité, simplement l’angoisse de ne pas pouvoir finir à cause d’une crampe, la peur que je ressens désormais n’est pas la même que celle du départ, elle est plus perfide car certainement moins rencontrée, plus justifiée aussi. Je compense sur la jambe droite et comme cela devait arriver, au 36 ème c’est le mollet droit qui subit une alerte.

Je suis au ralenti, je profite des côtes pour marcher dynamiquement en accentuant et amplifiant mes gestes pour détendre mes muscles et me masser la cuisse, je cours désormais le km en 7mn environ.

P1200331

J’ai l’impression d’être un vieillard, je ne souris plus et ne remercie plus ceux qui me tendent de l’eau, du coca ou du vin rouge, ou qui nous encouragent tout simplement, qu’ils m’excusent, j’ai enfoncé ma casquette à un niveau insoupçonné et attend de voir au sol les km suivants. Je fais 2 fois fausse route et suis réorienté par les bénévoles. A ce moment-là c’est presque un peu de tristesse, d’injustice qui m’envahit. 24h après je me dis que c’est de ces moments-là qu’il faudra retirer quelque chose, qui font de moi peut être quelqu’un d’un peu différent aujourd’hui.

Les derniers 3 kms sont très difficiles. Je sais que je vais finir certes même si je suis obligé de marcher, mais l’objectif repoussé à moins de 4h semble encore compliqué, et puis cette citadelle de Vauban du 17ème n’est vraiment pas prévue pour un Marathonien en perdition. Un dernier kilomètre sur l’herbe tondue trop grossièrement autour des remparts, puis la montée vers la citadelle, où à la vitesse à laquelle je cours j’ai le luxe de pouvoir choisir l’angle de pavé le moins pénible pour mes jambes, j’entends la musique, je trouve que je ne mérite pas ce tapis rouge, je vois la ligne, je la passe : 3h 58' 19".

Je pleure un bon coup (10 secondes ?) puis je ne cesse de marcher pendant 10 mn craignant l’interruption du mouvement, je suis alors plus préoccupé par trouver un kiné que d’embrasser mes proches. Je suis encore seul avec mes crampes, et je veux absolument les refiler à quelqu’un.

Après le kiné je réalise, je goûte, j’embrasse, je bois, je suis fier, je suis Marathonien !"


"Et de suite j’ai envie de le redevenir, ce sera avec toi en novembre prochain avec des odeurs et des couleurs de Méditerranée cette fois. Ma préparation sera différente, ma vie aussi.

J’ai pensé à beaucoup de personnes chères à mon cœur, mais sois sûr Claudio que c’est à toi que je dédie ces 42 kms et notamment les 8 derniers. Merci d’avoir calmé mes ardeurs il y a 9 mois, d’avoir su me faire partager cette passion, elle ne me quittera plus désormais, je t’embrasse"

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Commentaires
C
Louis-Paul et Valérie, merci pour vos commentaires qui montrent que vousavez bien saisi l'essentiel de l'effort et de l'engagement d'Eric. Merci pour lui.
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L
Comme tu eu raison de préciser que si tu interviens, ce sera plus tard! J'ai été de suite pris par ce récit qui pour moi dépasse (et de beaucoup) celui d'une expérience sportive. C'est un récit de vie comme seul peut en écrire celui qui raconte avec son coeur, ses tripes, son âme. Je ne saurais dire pourquoi il m'a ramené à une expérience majeure de ma propre vie qui pourtant n'a rien à voir avec ce qui est narré ici par Eric. Quoique, mais ce serait trop long à expliquer ici. <br /> <br /> Je pense que Claudio comprendra. Merci à vous deux de ce billet.
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