L'Assoc'

En pleine nature, sur un chemin de randonnée, là où on veut être tranquille :

Elle cheminait devant. Je l’ai reconnue tout de suite. Jeune, genre fraichement sortie de l’IUFM, griffée Kalenji de la tête aux pieds. Physique ingrat et grande-gueule, comme il se doit, elle polluait la montagne de ses discours stéréotypés.

"J’aurais pu le faire avec ma classe. Mais, franchement, j’ai préféré le faire avec mon assoc’. Tu comprends, mon assoc’… Parce que mon assoc’… Ah ! non mais tu vois, mon assoc'…"

Ses trois compagnons ne disaient rien. Déjà groggys ou depuis longtemps blasés. En tous cas, la falaise était proche et mon esprit, pourtant non-violent, commençait à échafauder un plan inavouable.

...

Je l’imagine bien le soir, assise par terre dans son salon, à faire la morale au monde entier. Fumeuse invétérée, elle nous parlerait de Bio et d’écologie. Donneuse de leçons de tolérance, elle nous critiquerait les cathos. En fin de soirée, après quelques pétards, elle oserait parler de fraternité et d’amour universel en excluant les Américains et les grands patrons. Puis, après quelques insultes imbéciles lancées à l’endroit de nos gouvernants, elle nous vanterait les vertus d’un Bouddhisme "vu à la télé"

Qu’avait-elle de mieux que les pétasses qu’elle dénigrait à longueur de vie ? Celles qui disent Au Club quand elle dit Assoc’ et qui font Thalasso quand elle fait Randonnée.

...

 Pendant ce temps-là, elle parlait toujours : "Dans mon assoc’, on a fait une soirée Dolto et, tu vois, et ben les gens et nanana et nanana…"

Et la falaise s’approchait. Et le plan s’affinait. Ni une, ni deux, je la poussai et continuai mon chemin. Ses trois compagnons m’ouvrirent leurs bras et leurs sourires. Mieux qu’une assoc’, j’étais reconnu, à leurs yeux, "d’utilité publique".

Dissoute l’Assoc’ ! Écrasée l’Assoc’ ! Écrabouillée l’Assoc’ !

Le silence et la nature reprirent leurs droits, débarrassés d’l’Assoc’.