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5 septembre 2013

Le rural se rebiffe

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Mon texte d'hier a suscité des commentaires si riches et intéressants que j'ai décidé de les remettre en première page aujourd'hui. Première information : "le rural" a Internet. Deuxième information : faut pas trop le titiller car il a vite fait d'aller chercher la fourche dans la grange et de vous la planter sur votre clavier sans ménagement. Et bien sûr, il a raison de le faire.

(Photo Didier Jacquot)

Commentaire d'Eric : Bon, avant tout il est évident que je me suis empressé de faire suivre cet écrit à la mairie de Périgueux pour les chagriner mais aussi à toutes les villes de + de 100 000 âmes pour les réjouir 
Même si je suis aussi peu Périgourdin que Niçois je vais me faire le défenseur de la ruralité, car le thème est bien là : rat des villes ou rat des champs. 
(Dans le thème animalier on aura noté qu'en ville on trouve des rats et qu'en campagne on croise plus des mulots et des musaraignes, approximation citadine que je vous pardonne) 
Limiter les habitants du Périgord à des bobos ou des anglais m'apparait un peu réducteur, c'est comme si on disait que la moyenne d'âge de la population niçoise frise les 60 ans ... ah, on me souffle que ça c'est une réalité 
Par contre c'est vrai que le principal problème à Paris et à Nice ce sont les parisiens et les Niçois, et pire les touristes qui fréquentent ces villes au moment où il y fait bon vivre! 
Pour la flotte je suis obligé de m'incliner c'est vrai il pleut pas mal, et même quand il ne pleut pas les arbres suintent d'humidité en automne et au printemps 

De toutes façons je ne suis pas objectif : j'aime la fougère, les pins, les chênes, les rivières, les vieilles pierres, l'archéologie, l'odeur de l'humus mouillé, courir entre les champs et les rangées de vigne, j'aime que mon fils de 21 mois fasse la différence entre un crapaud et une grenouille, reconnaisse les plantes qui piquent de celles qu'on peut prendre à pleine main, les baies qui se dégustent à même l'arbuste, qu'il cueille les fleurs pour sa mère dans notre jardin, qu'il fasse "chuuuuut" quand il reconnait les sons des chiens, ânes, cheval, vache, oiseaux qui nous entourent 
J'aime dormir sans entendre le son d'une voiture ou d'un scooter, j'aime courir sans sentir de pollution (apparente) 
j'aime être coincé 3 jours à cause de la neige, qui justifient enfin l'achat de mon tout nouveau congélateur 300 litres 

Mais surtout, et sans tomber dans la caricature, j'aime vivre dans une ambiance moins agressive, moins violente, moins rapide, moins stressante, pour avoir vécu 40 ans en région Parisienne c'est vraiment cela aussi la différence frappante. 

Pour la culture il convient d'aller dans votre sens, même si la bouteille n'est pas aussi vide que décrite, il faut se bouger et chercher plus que par chez vous c'est vrai 
Autre gros défaut non soulevé, il n'y a pas la mer à Périgueux, grosse déception à notre arrivée. 
Bon pour finir je ne sais pas si je vais faire ma vie en ruralité, mais ce qui est sûr c'est que la vie en ville m'a apporté beaucoup de frustrations qui m'aident à supporter aujourd'hui ces quelques désagréments. 

Commentaire de Didier : Tu sais ce qu'il te dit, le rural ? 

Séquences riposte. C’était un brin demandé, il me semble. Je m’exécute de bon coeur.
Tout à l’heure, l’ami Claudio a pris son bazooka des champs pour flinguer le Périgord, le rural, et globalement ces terroirs à bobos, ceux, si j’ai bien compris, qui se la jouent "terre du retour à la terre".
Ceux où l’estampille produit local vaut label et où avec des mines alanguies, qui se fournit en fromage de chèvre, qui en terrine, qui en oeuf que même c’est une poule qui l’a pondue et que même la poule elle vit pas dans une cage, qui se frotte les babines et se lèche les mains, parce que nom de Dieu, ce foie gras et ce pinard, cette bière locale et ces radis bio, une tuerie !
Bref, l’ami niçois brocarde ces terroirs qui, jouant de leurs qualités en ont fait devises, et mettant un peu de marketing dans leurs vielles pierres, ont réussi à attirer ceux qui désirent se mettre au vert quelques temps, lassés sans doute du béton et des relents de gasoil. Réussissant ainsi à attirer par le pittoresque celles et ceux qui délaissant pour une fois mer, océan et montagne et se proposent de jouer la croissance aux dés, se vautrant dans les prés offerts, la bonne conscience en bandoulière. Oubliez pas de ramener ces produits artisanaux, ça fera des cadeaux géniaux pour la Noël…

Eh bien il a raison, l’ami Claudio.
Ils sont insupportables ces territoires devenus terroirs, où l’on exhibe le bien manger comme un rempart à la mauvaise langue, le slow life comme un remède au speed life, le vert comme un bain de jouvence. Ces terroirs qui ont fini par devenir une esthétique, des caricatures, bref, des lieux de villégiature finalement aussi prisé et surfaits que Le Touquet, Saint-Tropez, l’ïle de Ré ou Arcachon. Ceci dit, pourquoi pas?

Mais il a tort, l’ami Claudio, quand il pense que c’est cela le milieu rural. Et il a tort de penser que trois jours suffisent, de vert en vert, pour boire le calice jusqu’à la lie. Naguère milieu rural, appuyé sur sa rime, le Périgord est devenu un concept, c’est entendu. Mais sûrement pas partout. Et inutile d’en faire un étendard. Autant lui laisser sa place d’exception.
Ce qu’il décrit en urbain convaincu que le seul horizon qui vaille est un bord de mer ou que le seul monument (phallique) que l’on doit voir voit de loin est une Tour Eiffel n’est pas le rural.

Un vrai rural, quel que soit son milieu, c’est pas trois jours qu’il faut pour le comprendre mais trois ans au moins.
Parce que le rural, qu’il soit vert, brun, doré ou bleu, ce ne sont ni des produits ni des paysages aussi doux et verdoyants ou ombragés soient-ils mais des femmes et des hommes. Un territoire n’est pas son décor. Ni sa vitrine. Ca se saurait sinon. Ces femmes et ces hommes, bien souvent, et on en trouve de la Corse au Pas de Calais en passant par la Creuse et la Meurthe-et-Moselle, ne la ramènent pas. Ils aiment leur coin. Leur regard dit cet amour. Ils y habitent. Et yalla !
Souvent, ils y bossent (pour ceux qui le peuvent). Ils oeuvrent devrais-je dire, et si par exemple, ils compostent, c’est pas pour épater la galerie ou faire tendance, mais pour enrichir la terre de laquelle jaillira de quoi remplir des assiettes ou, pour les plus organisés, de quoi faire vivre l’AMAP. Ils font des confitures. Ils connaissent leurs voisins.
D’autres réparent des voitures et des hangars. Quelques uns y vendent des pizzas ou vendent en ambulant et au passage ramènent les médicaments. C’est dingue
D’autres encore seront de ceux qui font vivre des associations, ou planteront des arbres, ou enrichiront des bibliothèques et des musées, feront vivre le club de sport, nettoieront les bords de la rivière, chasseront le sanglier.
Ils continuent de lire le journal local et se font peur le soir en regardant TF2 ou France 1. Ils gueulent aussi.

Ce rural là, que d’aucuns aiment à présenter comme une sorte de caverne préservée témoin d’un autre temps (qui serait évidemment révolu), que d’autres raillent en se disant qu’on s’y emmerde sous prétexte que le bruit du silence fait peur la nuit et puis il y a si peu de vitrines et de lampadaires que forcément les moustiques attaquent où ils peuvent, que quelques uns fuient parce qu’on entend une mobylette pendant au moins cinq minutes alors qu’armé d’une tapette à mouches à 3 h du matin on tentait de chasser l’intrus pour retrouver le sommeil et que les cloches de l’église sonnent trois fois, eh bien ce rural là, j’en fiche mon billet, 1) il est une terre d’avenir et 2) à force d’être ringardisé, il va finir par devenir furieusement tendance.

Parce qu’en plus d’être un endroit où vivent des femmes et des hommes, le rural est aussi un territoire où l’on peut vivre sa modernité en prenant le temps de vivre, en écoutant les saisons, et en se disant que les rats des villes maintenant que la ville est devenue banlieue et qu’elle ne retient personne, vont peut-être y revenir à la campagne  Parce que c’est moins cher, et en temps de crise, c’est un argument. Parce qu’aussi on peut expérimenter d’autres façons de vivre. Il sera toujours temps, à Noël et aux soldes, d’aller faire sa BA urbaine !

Merci à tous les deux. J'adore ces échanges.

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Commentaires
L
Toc toc. Coucou me revoilou. Puis-je mot dire après avoir motus depuis si longtemps ? Je me suis délectée. Et je me suis bien retrouvée dans les lignes de Didier et Eric. Évidemment. <br /> <br /> Les joies de la ville et de ses crottes sur le trottoir. Que quand tu rentres chez toi, faut récurer les godasses ! Les joies des klaxons, la courtoisie des automobilistes, les magnifiques vitrines d'assureurs et autres boutiques éclairées toute la nuit, les passants affables, l'odeur délicate des gaz d'échappement, les arbres dans un mètre carré de terre au milieu d'un trottoir goudronné,... Hum... Le Périgord peut toujours tenter de rivaliser avec ça. ;o))<br /> <br /> C'était juste pour taquiner...<br /> <br /> Bises Claudio et à ta Dame !
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