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Singulier Pluriel
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23 octobre 2013

Les idéalistes et le rationnel

m (2)

J'ai beaucoup d'amis qui se ressemblent sans me ressembler. Cette prise de conscience me secoue de plus en plus souvent. Et comme je ne suis pas homme à négliger les alertes, je me suis mis à la recherche du pourquoi du comment.
Qu'ont-ils en eux qui puissent me plaire ? Qu'ai-je en moi qui les attire ? Se plairaient-ils entre eux, s'ils se connaissaient ?

J'ai cherché du côté du générationnel. Chou blanc. Le plus vieux a plus du double de l'âge du plus jeune. Hommes ou femmes ? Un peu déséquilibré, mais pas significatif. Profession et goûts, Droite, Gauche ? Je n'avançais pas. J'ai fini par lister leurs points communs, en m'extrayant de leur rapport à moi ; plus justement, de mon rapport à eux. L'image devenait un peu plus nette. J'ai, ensuite, fait la liste de mes amis qui, eux, me ressemblent et tenté de voir en quoi ils se différenciaient des premiers. Mais ceux-là sont beaucoup moins nombreux. Je n'en tirai que le résultat qu'ils pourraient aussi les avoir comme amis.

J'en conclus, sachant que ce n'était qu'une étape intermédiaire, qu'ils me rappelaient sans doute, "cet étranger vêtu de noir, qui me ressemblait comme un frère", ma part pudique ou ma part d'ombre. Allez savoir ! Je me suis senti coupable de les aimer comme on aurait de la tendresse pour un "moi" caché, comme une caution de fidélité, une forme de narcissisme par procuration. Pas trop fier de ma conclusion, je vous le dis !

Soit. Revenons à nos amis. Shootés aux valeurs féminines, plus ou moins artistes de quelque chose, ils sont sensibles et le portent comme un étendard. Ils deviennent facilement militants de l'émotion qu'ils opposent, naïvement, à la rudesse de la raison. Coeurs tendres, ils entretiennent leur idéalisme naturel, de peur de plonger dans un réalisme coupable. Alors, ils s'émeuvent, puis s'indignent, puis se liguent. Leur fierté, c'est d'être restés fidèles à leurs idéaux de jeunesse, de ne pas avoir changé. Fidèles à leurs fidélités, ils souffrent. Garder le cap face à un monde sans prendre aucun des vents qui tournent, c'est épuisant. Alors, épuisés, ils se radicalisent. D'idéalistes, ils virent utopistes. Et il en faudra des coups de boutoir de la vie pour leur faire changer d'idéologie. C'était si facile la vie d'avant, celle des westerns, des bons et des méchants bien caricaturés. Bien coincés dans leurs contradictions, ils n'ont plus qu'à mettre en avant leur sincérité. C'est sûr, la sincérité, ça ne se discute pas. Ils aiment le caritatif et le collectif, car ils ont de bons sentiments. Ils avancent en âge en se torturant la conscience. Car l'inéluctable côté réac s'invite devant leurs verres correcteurs et ils croient avoir des comptes à rendre à leur passé.
Dites-leur que la maturité, c'est admettre qu'avant on était à côté de la plaque et ils vous croient vendu au Grand Capital, à la résignation ou à l'embourgeoisement. Ils ne savent pas encore qu'on peut être poète, les pieds sur terre et révolté en charentaises. Leur lucidité leur fait mal, car ils voient clair les bougres, et leur talent de communicateurs sait nous le prouver. Mais, et c'est dommage, ils comptent régler le problème avec du sentiment. Pour l'instant.
Voilà, ils sont mes amis.
Une bonne dose de rationalité leur remettrait un peu d'huile dans les rouages. Mais, pour le moment, c'est cela qu'ils refusent, la rationalité. Ils ont trop peur d'y perdre leur sensibilité ou leur altruisme, trop peur de passer pour des machines insensibles, des robots au coeur artificiel.
S'il se vérifie un jour qu'ils sont ma caution sensible, je leur servirai, sans scrupules, que j'ai joué le rôle de caution rationnelle pour eux.
Fort heureusement, j'ai des amis rationnels, qui m'apportent tout autant que les autres. Et je les aime aussi. Entre rationnels au moins, on est la caution de personne.

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