Toi, c'est pas pareil

Depuis un demi-siècle que j'entends tout et n'importe quoi sur le racisme et la xénophobie, j'ai toujours cette phrase qui me trotte dans la tête : "Toi, c'est pas pareil".
Je l'ai entendu des centaines de fois et nous sommes des milliers à l'avoir entendue. On se le raconte encore entre nous. On y a longtemps répondu d'un sourire en coin silencieux et plein de sous-entendus. De ce silence qui voulait dire "Cause toujours, c'est trop tard, tu es dévoilé et je ne te servirai pas de caution, même si je ne te le dis pas car c'est inutile". On classait l'individu et c'était tout. Je pense aujourd'hui qu'on se trompait. C'était sa bêtise, son expression et son élan qui le faisait généraliser. Au lieu d'être son exception qui confirmait sa règle, nous étions peut-être l'exception qui cassait sa théorie. Mais il ne le savait pas, et nous non plus.

L'individu, aujourd'hui comme hier, n'est donc pas raciste ou xénophobe, c'est l'ambiance et, encore une fois, le groupe, la foule et la société qui pervertissent sa parole. Entendre que la France est raciste ou que les Français sont racistes m'horripile. Quelques abrutis peuvent être abîmés ou égarés au point de l'être, mais ils ne sont pas la France. La grande majorité d'entre nous est humaniste et fraternelle. Et le "Toi, c'est pas pareil" le prouve. La cible n'est pas l'autre, c'est l'image interprétée d'une nébuleuse. Je ne me sens pas agressé lorsqu'on dit du mal des étrangers. Dans le même ordre d'idées, je n'ai jamais compris pourquoi un fonctionnaire courageux et compétent montait sur ses grands chevaux lorsqu'il entendait que les fonctionnaires sont cossards et incompétents. Il ferait mieux de traquer celui des siens qui donne une mauvaise image de la corporation.
J'ai assez vécu parmi les pauvres de toutes nationalités et de toutes origines pour prétendre que la xénophobie n'est que question de perception. Quand on laisse aboyer les chiens, ça se passe toujours bien ; ils se fatiguent. Faisons en sorte de multiplier les "nous, c'est pas pareil" plutôt que s'offusquer de paroles imbéciles qu'on amplifie en les relevant. Celui qui aura plus de "Toi, c'est pas pareil" dans son entourage que d'inconnus basanés finira par comprendre. D'ailleurs, ce n'est que son incapacité intellectuelle à analyser et nuancer qui le fait parler ainsi, son coeur s'il pouvait parler nous serrerait dans ses bras, puisque "nous, c'est pas pareil".
Je ne fais pas d'angélisme plan-plan, je crois sincèrement à l'individu et à notre capacité à lui donner une image positive de nous-mêmes qui le fera nous accepter comme nous l'acceptons.