La colère

La colère est mauvaise conseillère, vous disent les uns. La colère est saine, vous disent d'autres. Elle fait des dégâts ou permet d'évacuer, elle culpabilise ou est efficace? C'est selon.

Elle est, je crois, une mauvaise réponse. Et parfois, les mauvaises réponses apportent des solutions. Seulement, voilà, les dégâts collatéraux créent d'autres problèmes, auxquels il faut aussi trouver des réponses. L'efficacité, c'est une chose, l'écologie de la méthode en est une autre.

Ce serait si facile de se mettre en primaire... pardon, en colère, car, quoi qu'on en dise, la peur est bien répandue et la colère sait bien en profiter. L'éthique reste, ici encore, un bon garde-fou. Si je ne pense qu'à moi, je sors mes gros sabots et ma grosse artillerie et je serai en bonne position pour emporter la partie. L'autre n'aura rien appris et sa croyance dans le rapport de force s'ancrera davantage. En revanche, si mes valeurs m'obligent à penser global, à rechercher l'équilibre et le respect mutuel, il va me falloir être plus fin et plus stratégique, même face à la colère.

Je ne dis pas que parfois, ça ne démange pas cet outil, tellement, on passe par la phase d'incompréhension totale face à des comportements violents ou bêtes. Il suffirait qu'on hausse le ton, qu'on assène quelques vérités bien placées, et hop, on peut passer à autre chose. Le malhonnête l'aurait bien mérité.

Mais non, c'est comme ça, on ne se refait pas. Au contraire, avec le temps, on est de plus en plus, conciliant, négociateur, persuasif et patient. L'autre, ne parlant pas la même langue, ne se rend même pas compte du travail et des efforts déployés pour rester dans les clous de notre éthique personnelle. Pour son bien en plus. Lui, il ne comprend que le direct. Alors, si vous voulez le convaincre qu'on peut être civilisé et sortir gagnant-gagnant du rapport, il se méfie. Trop fin et trop gentil pour être honnête, pense-t-il, il se persuade qu'un piège lui est tendu, et il vous repousse plus loin encore.

Oui, parfois, on aimerait être moins solide, moins éthique, moins parfait et rendre les décibels que l'autre semble tellement réclamer pour se faire recadrer tant il est incapable de le faire lui-même. On aimerait... mais, pas longtemps. Alors, on boucle la boucle, en se remettant à expliquer qu'il est des méthodes plus civilisées et l'autre se remet sous pression car les langues totalement étrangères déstabilisent.