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27 janvier 2014

Les SDF et les classes moyennes (2010)

Lorsqu'on habite le centre d'une grande ville, un SDF c'est comme un lampadaire ou une crotte de chien. On finit par le contourner sans le voir.
C'est une introduction un peu rude, mais il y a de ça. Ne le nions pas.
Hier matin, cependant, un SDF que j'avais déjà vu ailleurs avait choisi "mon" trottoir devant "mon" "chez moi".
Et là, ça change tout.
Il n'est plus anonyme. Il n'est plus un parmi d'autres. Il est redevenu être humain. Il est quasiment chez moi. Envolés les lampadaires et les crottes de chien.
C'est bête, bien sûr. C'est idiot de penser ainsi. D'avoir besoin qu'on vous colle un truc sur le nez pour le voir, pour vous faire prendre conscience. C'est idiot. Et pourtant.

Hier matin, donc, déguisé en jogger décontracté, j'ouvre la porte de l'immeuble sur le soleil, prêt à longer la mer sur 13 kilomètres avec l'insouciance et la légèreté d'une midinette se prenant pour une star.
La porte refermée, le menton fier retombe d'un coup. Un homme est là. Assis au milieu de sacs poubelles et de vieilles couvertures. Cela n'arrive jamais dans cette rue. Le port, plus loin, et son église servent habituellement de "point de rencontre" aux sans-abri du quartier. La cinquantaine octogénaire, on sent que celui-ci n'a rien choisi. Il a coulé depuis longtemps. Un SDF expérimenté. Il a dormi là. C'est sûr. Les températures clémentes de notre sud n'empêchent pas de dire qu'il fait froid. Et il fait froid. 
Ma bouche ose un Bonjour quand ma pensée me rappelle le prix de mes nouvelles chaussures de running. 91 euros.  Et mon pied se serre comme se serre le cœur. Si c'est pas une honte ! Et je passe. Et je pars. Je suis tout nu. Vide.

1h 25 de réflexion et de course plus tard, il est toujours là.
Je m'approche. Et je répète mon Bonjour. J'ai ma réponse.
- Vous avez besoin de quelque chose ?
- Une cigarette.
- Ah ! Non. Je n'ai pas. Autre chose ?
- Non merci. J'ai tout ce qu'il faut.
- Un bol de soupe bien chaude ?
- Ah ! Un bol de soupe ? ça je veux bien.

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Je reviens. Velouté de potiron, morceau de pain et deux pommes. Mince. Mon SDF a fait des petits. V'la qu'ils sont deux. Si j'étais ministre, je dirais que j'ai créé un appel d'air. Du coup, je privilégie mon pauvre-à-moi. Mais je partage le dessert. Je remonte et même si cela peut paraitre moche, je prends la photo. Du troisième je vois que le deuxième regarde le premier manger chaud.


Bien qu'ayant une grande expérience de vie avec les minima sociaux, je me sens, à ce moment-là, matériellement très riche. Même si le velouté de potiron prévu pour le repas a disparu. On fera des pâtes. 

Je pourrais m'arrêter là.
Attendre les commentaires sensibles de visiteurs sensibilisés. Un ou deux autres qui m'expliqueraient que lorsqu'on fait du bien, faut pas le dire. On louerait ma générosité concrète et je planerais toute la journée, tant les gens reconnaissent mon humanisme sans pareil.

Mais je vais jouer les prolongu' deux minutes. 
Après une semaine d'actualité centrée sur le salaire et autres avantages mirobolants d'un certain dirigeant et les réactions convenues et politiquement correctes de tous, mes réflexions sont différentes. Et mes foulées du matin m'ont bien aidé.
Rien de nouveau sous mon clavier. Si ce monde ne tourne pas rond et qu'en France, pays riche, nous vivons des scènes comme celles-ci, ce n'est dû ni aux parachutes dorés, ni au salaire de Proglio, c'est essentiellement dû au fait que malgré les grandes intentions, les classes moyennes ne partagent pas. Recroquevillées sur leurs avantages, leur CE, leurs emplois à vie, leurs retraites programmées, leurs mutuelles d'entreprise, leur confort indécent, elles s'offusquent de ce qui brille sans faire leur part. Les classes moyennes sont des privilégiées qui se croient pauvres. Elles pensent encore et toujours que c'est aux autres de commencer. Oui.
Mais les classes moyennes ont le bulletin de vote assassin. Et le pouvoir capitule encore et toujours.
Le pauvre, l'exclu est souvent fataliste et doit bouffer. Alors, qu'on ne lui demande pas de chercher du sens dans un bulletin de vote.
Quand, Qui aura le courage de s'occuper en priorité de ceux qui n'ont rien ? Alors Classe Moyenne si tu veux faire ta part, rend tes avantages et  partage vraiment. Ou alors, Tais-toi ; on entend que toi.

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