Sur le fil
J'ai toujours aimé les évènements qui flirtent avec le fil du rasoir. Il s'en faut de si peu pour changer tantôt le cours d'une vie, tantôt un gain ou une perte, un destin ou une émotion.
Remporter une élection à 50% plus une voix, c'est bien plus beau que d'écraser son adversaire avec un score soviétique. Chaque électeur s'en trouve valorisé. Il est celui qui a fait basculer le scrutin. Et ce n'est pas qu'une image, c'est bien lui qui l'a fait. Le mérite et la fierté reviennent à des milliers de gens sans être diminués par le partage. La voix qui a fait la différence, c'est la voix de chacun. Ajoutons, le suspense et l'adrénaline et, alors, l'aventure est magnifique. Pour tous.
Les buts vainqueurs marqués pendant les temps additionnels (les arrêts de jeu pour les anciens) ont bien plus de valeur que les autres. Et si on gagne aux tirs au but (les penalties pour les anciens) alors, c'est le nirvana. Surtout 12 tirs à 11.
Les couples qui ne se rencontrent que parce qu'on a raté un bus à une seconde, parce qu'on est passé ou pas au feu orange, parce que Cupidon a enrayé son arc sur son tir précédent. Ceux-là pourront toujours croire un peu plus à leur destinée, que les "mariés arrangés" et les amis d'enfance accouplés.
On a tout misé d'un coup, sur le fil.
Sur le fil. Même si c'est très comptable et scientifique, on finit par croire à la chance, donc à la malchance aussi.
En réalité, c'est fait pour donner de la matière au bavardage et au radotage. Faut se mettre du piquant entre les dents, faire de l'effet.
Le pendant, sont les 50% moins une voix, les défaites à si peu, les rencontres avortées et inconnues. A croire qu'on se réjouit à l'aune du malheur des autres, qu'on calque l'intensité de l'émotion sur celle de l'autre. L'univers a besoin d'équilibre, et c'est nous qui payons.