Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Singulier Pluriel
Singulier Pluriel
Publicité
Singulier Pluriel
Derniers commentaires
Archives
20 octobre 2014

Une tête à coups de boule

SDC12269

Il avait perdu la boule, et c'est sur un coup de tête qu'elle partit. Oh, ce n'était pas le premier. Mais, elle décida que ce serait le dernier.
La dignité tuméfiée claudiquait un peu jusqu'au commissariat, mais, le courage vint avec la certitude absolue qu'il ne changerait pas. Il avait le front bas mais violent et la pommette gauche s'enfonça quelque peu, ébranlant le reste du corps, mais, remettant la raison à sa place ; ça fit comme un cliquetis métallique, un puzzle qui se serait construit d'un coup, sur le coup de trop.

Pendant longtemps, elle avait accepté les excuses du lendemain, cru aux engagements de ne pas recommencer, et même, étudié sérieusement la question de sa propre responsabilité. Parce que bien sûr, c'était elle qui le poussait à s'échauffer les poings. La preuve, il n'y a que sur elle qu'il se défoule, c'est bien qu'elle est la source du mal. C'est vrai quoi, il aurait suffi qu'elle n'existât pas et, des coups, jamais elle n'en aurait pris. Et puis, elle devait bien mériter ce qu'elle attirait et, par amour, son homme lui redressait les neurones à la force du poignet. Rien de plus généreux ! Un homme, ça éduque sa femme, tout le monde le sait. Déjà qu'il l'avait sortie de cette famille de dégénérés, maintenant, il fallait la redresser, la remettre d'aplomb dans la tête.

D'accord, la goutte d'eau était particulièrement violente, mais, elle en avait vu d'autres, et, lui, ne comprit pas pourquoi l'ordinaire créa une révolution. Pour lui, c'était tout simple. Elle  se rendait coupable de tout : d'avoir une tête à coups de boule, de le pousser à la correction conjugale et, maintenant, en plus, d'ameuter les voisins en fuyant la maison, de salir sa réputation en dévoilant l'intime, de briser une famille et de transformer l'image d'un bon père en boxeur de salon. Elle n'avait qu'à pas accepter la situation pendant toutes ces années. En brisant le secret, elle prouve qu'elle a laissé s'instaurer une habitude sans broncher. Coupable, vous dis-je.

Mais, c'est sûr, ça va lui passer. Elle va revenir ronronner au bercail. Parce qu'elle va faire quoi sans le sou, hein ? Faudra bien qu'elle vienne chercher sa pâtée, la traîtresse. C'est toujours comme ça, elle prend la mouche et elle se calme, y'a les gosses quand même ! Si seulement, elle pouvait comprendre une bonne fois pour toutes qu'il ne faut pas l'énerver. Et puis, où donc retrouverait-elle un homme comme lui ? Un vrai, un travailleur, un qui s'écorche la santé à ramener sans rechigner son virement de fin de mois. Si, en plus de trimer comme un nègre, il doit mesurer ses humeurs, c'est quand qu'il vit lui ?

Quand les menottes lui serrèrent un peu fort les poignets, il crut à une caméra cachée. On le traitait comme un délinquant. Quelle société injuste ! Tout ça pour avoir voulu faire le bien. Après avoir perdu la boule, il en perdait son latin. Si on ne laisse plus les honnêtes gens laver leur linge sale en famille, étonnez-vous que le monde aille si mal !

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité