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16 décembre 2016

Une main nue

« Il n'aurait fallu qu'un moment de plus pour que la mort vienne, mais une main nue, alors est venue qui a pris la mienne" écrivait Aragon (et chantait Ferré).

08 décembre 2016 (20)Celui à qui personne n'a jamais sauvé la vie en aura raté un morceau. Il n'aura pas connu le goût de cette puissance de lien d'amour humain se créant universellement entre deux êtres. Car c'est là, au cœur des tréfonds du désespoir qu'on saisit l'essence de l'essentiel si les mots peuvent appuyer plus fort par cette sonorité facile.

Nous étions vivants, puis morts et là "une main nue", si pleine, nous a fait un bouche à bouche et un massage cardiaque, avec délicatesse, par l'angle d'un sourire venu plisser sa lèvre pudiquement alors que du creux de son ventre elle aurait voulu vous peinturlurer d'arc-en-ciel. La pudeur et l'élégance lui ont fait trouver l'expression juste, celle qui ne pouvait trahir aucun faux-semblant, aucun encouragement factice. La sincérité à l'état pur d'un cœur pur et sûr.

Celui à qui personne n'a jamais sauvé la vie n'a peut-être pas tout à fait commencé la sienne. Bien au-delà de "L'Auvergnat", plus vital que le demi-manteau de Saint-Martin et plus riche que tous les bons sentiments, le nu de la main a parlé la seule langue qui devrait nous relier. Pour certains, pour certaine, la main sourit si simplement qu'ils se demandent ce qu'ils ont fait de si important. Le destinataire, lui, sait mesurer. Qu'il ait sauvé d'autres vies lui-même dans le passé n'a aucune importance et sa mémoire défaille sur le sujet. Mais que son corps exsangue et son cœur moribond aient reçu ce vide si plein d'un Tout indéfinissable et sa mécanique est repartie à l'assaut du plus beau. Pour Tout et par Rien. Mots jumeaux ex aequo au zénith de l'Humain.

La main tendue oubliera, elle en a tendu d'autres, et le fera encore, en oubliant encore. La main sauvée saura. Elle connaîtra enfin, à jamais, sa date de naissance, la vraie. Et sa génitrice, la vraie.

Une main nue enveloppée d'huile essentielle invisible vous a versé un seau d'océan au fond de vos yeux devenus enfants. Ils ont débordé, pour votre bien, de l'abondance de ces mains ouvertes, belles, généreuses, fontaines et cascades d'élévation.

Les cieux diront qu'elle était là au bon moment et pas manchote, les prosaïques, que votre détresse a su touché son cœur et les moins cérébraux, que c'est comme ça, et puis c'est tout.

Cette main, au regard de ciel bleu a tendu tout son bras entre fil et ondes, entre terre et ciel, entre trombes et bitume, juste pour faire ce qu'elle devait faire sans se dire qu'elle devait le faire. Et vous, vous garderez au creux de la vôtre la douceur d'un ange descendu d'une étoile pour laisser sur terre une discrète trace à valeur, disons, aurifère tant le mot juste manque.

Celui à qui personne n'a jamais sauvé la vie ne sait que peu du prix reçu quand l'offrande est sans effort, juste celui du mouvement vers, de l'être là, de l'être avec.

Recevoir au centuple ce qui est donné remet les pendules à l'heure. Celle de la communion sans artifices de regards qui se touchent et de frères qui se savent, à jamais, liés par le don. Le verseau verse, c'est sa nature. Plus son amphore assouvit moins elle se vide. C'est magique. Bienfaitrice moins consciente que celui qu'elle abreuve, elle aura sa part, en même temps. C’est-à-dire sans retour, dans le geste même. Donner sans compter, c’est chérir sans coûter.

 

31 mars 2015 (67)"Il n'aurait fallu qu'un moment de plus pour que la mort vienne, mais une main nue, alors est venue qui a pris la mienne" écrivait Aragon et chantait Ferré.

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Commentaires
L
Gratitude rime bien avec saine attitude.
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