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23 janvier 2021

Les violences de l'enfance

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C'est fou les arrangements qu'on prend avec son enfance ! On n'ose pas la condamner, on lui trouve des excuses, on valorise les bons moments, on occulte les mauvais. Comme une façon de vouloir montrer, de vouloir se montrer qu'on vient d'un bon terreau. De la même façon, on passe son temps à trouver des excuses à ses parents ou à ses éducateurs. Même les pires sont parfois idéalisés. Bref, on est malhonnête avec notre passé. Pourquoi ? Pour tenir le coup, pour se donner des armes, des ressources, pour affronter la vie ?

Sous prétexte qu'on n'a pas croisé de drames ou de tragédies visibles, ni viol, ni inceste, ni décès prématurés, on minimise les traumatismes du quotidien, on banalise les violences, j'ai même failli écrire "petites violences", c'est dire. Pourtant cet ordinaire-là marque chacun. De tourments en expériences négatives, de cicatrices invisibles en souvenirs indélébiles, on charge sa charrette, celle qu'on tire toute une vie jusqu'à ce qu'une thérapie, une rencontre ou une introspection sincère vienne mettre à jour des marques déniées. Dans le meilleur des cas, on remet les compteurs à zéro. Mais le meilleur des cas n'advient jamais. Alors, on atténue les effets, on trouve des parades, on fait avec. Au moins, cette fois-ci, on vivra en connaissance de cause. 

Alors qu'il suffirait de dire clairement, franchement que tout cela n'était pas normal. De ne pas incriminer l'époque pour mieux passer dessus. De ne pas fondre son vécu dans celui de beaucoup d'autres pour en diminuer les conséquences. De ne pas admettre. Il convient d'exprimer un rejet net de toutes ces violences ordinaires qui devaient forger le caractère et n'ont fait qu'amoindrir nos ressources et diminuer nos possibles. 

Chaque génération a ses traumatismes, mais j'ose espérer que nous avançons vers des jours meilleurs. On ne vend plus de martinets dans les magasins et les ceintures ne servent plus à infliger des sévices en croyant inculquer des valeurs. On ne massacre plus les doigts d'un coup de règle pas plus qu'on ne fait porter de bonnet d'âne en faisant le tour des classes de l'école. Je me souviens encore, en maternelle, d'une pièce toute noire où logeait le loup. Comment est-ce possible ?

Je ne découvre rien. Je n'apprends rien. Je veux juste qu'on arrête d'être indulgent avec ceux qui nous ont nourris à la peur, à la honte, à la souffrance, parents ou pas, sous prétexte qu'ils ne s'en rendaient pas compte n'ayant pas la connaissance que nous avons aujourd'hui ou que d'autres ont fait pire ailleurs. Il faut juste pouvoir le dire. Et s'il le faut, pouvoir l'entendre. Car, qui me dit que mes enfants n'auraient pas de récriminations à me faire, même si...?

(J'ai en mémoire une lecture d'il y a quelques années traitant de la violence éducative ordinaire : Pour une enfance heureuse de Catherine Gueguen)

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