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8 février 2021

Oro, l'aventurier

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Tomber d'une échelle pour aller au Paradis, c'est une drôle d'idée. Un ami est parti. Comme ça. En tombant d'une échelle. Il était ce qu'on appelle un ami lointain. De ceux qui ont été proches et que la vie a éloignés. C'est quand même un ami. Plus de quarante ans qu'on se connaissait. Il a tenu mes enfants sur ses genoux. Quelques années de plus que moi et un profil si différent : c'était un actif, hyper-actif peut-être. Un entrepreneur avec toujours un projet en cours. Il rénovait une maison, sa maison de retraite, dans le Luberon lorsque le vent a déplacé l'échelle. Audacieux, sans limites, ambitieux et bâtisseur. D'un appartement à une maison, puis à une péniche rénovée de ses mains, une immense villa et des voyages autour du monde et du travail à travers le monde et des amis du monde. Une énergie incroyable qui vous faisait faire du sur-place, bouche bée et yeux ébahis.

J'avais juste vingt ans quand mon frère me le présenta. Une semaine de camping sauvage en Irlande, à cinq copains, fit naître l'amitié. Puis, c'est autour de l'escalade que nous nous voyions le plus souvent. Fontainebleau et les falaises du Saussois dans l'Yonne. Il était toujours moteur, celui qui osait, que rien n'arrêtait. Il faisait la vaisselle du camp avec du sable, recollait une prothèse dentaire, à la sauvage, avec la même colle qui fixait le tissu des sièges d'avion, domaine où il travailla un temps. Un couteau suisse à lui tout seul. Un jour, il dévissa sur une paroi difficile. Dans sa chute, son genou s'arracha sur un piton. Mal en point le gars ! Hôpital et rééducation durèrent longtemps. J'allai le voir chez lui, convalescent. Surprise. Nous lisions le même livre, en même temps : Oro de Cizia Zykë. L'histoire d'un aventurier des années 70 en Amérique Latine. C'était tout lui. Moi, il me présentait comme un intellectuel. Et nous nous jalousions mutuellement, amicalement. 

Les années passèrent. La géographie a distendu les rencontres, mais nous gardions par un ami commun, un lien permanent. Nous avions des nouvelles, souvent, par ricochets. Des bouts de phrases me reviennent depuis que j'ai appris la nouvelle, des anecdotes en pagaille que je croyais dans les oubliettes, des rires et des sourires complices que le temps avait fait semblant d'effacer. Je l'ai revu, après longtemps, chez l'ami commun, il y a sept ans. Pareil. Tout pareil. Et si le fil de la vie de chacun s'était déroulé différemment, le contact remis instantanément du jus entre nous. Toujours leader, toujours au centre des regards, ceux des femmes en particulier. Il avait toujours su en jouer. Et il en jouait encore.

Infatigable et toujours partant, il avait une réponse à chaque problème. Il était orienté "solutions" comme on dit. Il faut dire qu'ayant manqué de père, il s'était construit dans l'adversité. A vingt-ans, il avait déjà des cheveux blancs qui lui donnaient assurance et charme. Et, quelles que soient les épreuves, je crois bien qu'il sortait toujours vainqueur. C'est un métier de vie qui s'entretient. 

Putain de camion, chantait Renaud en évoquant l'accident mortel de Coluche. Putain d'échelle ! Putain d'échelle ! La seule chose que je sache faire, limites d'intello, c'est aligner trois mots. Alors, je le fais. Pour toi. Que ton repos soit doux, Oro.

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