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Singulier Pluriel
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27 février 2021

Assis dans ses mots

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J'ai regardé, il y a peu, une émission littéraire à la télévision. C'est toujours très intéressant d'entendre les écrivains parler de leur rapport à l'écriture. Lionel Duroy, par exemple, faisait un parallèle avec sa pratique du vélo : démarrage laborieux puis envolée (une histoire d'endorphines, sans doute). Cela m'a ramené à mes années de course à pied, lorsque j'expliquais que les jambes couraient pendant cinquante minutes et que les ailes prenaient, ensuite, le relais. Donc, il faut s'y mettre et patienter ; ça finit par venir et s'élever. Le même aborda le sujet récurrent de l'écrit long comparé à l'écrit court : il avait, par le passé, écrit une biographie du chanteur Renaud. Bien que ce dernier écrive des chansons en très peu de temps, il n'est pas capable de longueur. C'est un autre métier, qui demande de la persévérance et beaucoup de travail, l'inspiration ne suffisant pas.

J'ai passé ma vie, à ma modeste place, à écrire et, malgré quelques tentatives, je me suis toujours heurté à ce mur. Je n'ai pas la patience, ni la bonne stratégie. Je suis trop synthétique et je veux vite aller à l'essentiel. Alors, écrire une histoire avec une mise en scène demande un travail technique qui me dépasse. J'en ai pris mon parti et me cantonne, après une jeunesse de poèmes, à une vie d'adulte faite de billets de blogs, format qui correspond bien à mes désirs : dire quelque chose sans fioritures qui permette, par le partage, d'éveiller des réflexions chez d'autres, comme si je ne donnais que le sujet et que chacun, dans son coin, développe. Je me contente de petits coups de pinceaux quand d'autres s'attachent à créer des oeuvres d'art. C'est peut-être, après tout, une activité de paresseux. Et comme le désir de réussite sociale m'a toujours été étranger, je me tiens bien au chaud dans un loisir ni trop présomptueux, ni trop chronophage.

Cela dit, le lendemain de cette émission, se déclencha, à la maison, une discussion sur ces constats et ces motivations. J'y participai serein et sûr de moi, quand ma compagne me dit, tout de go : mais toi, tu es assis dans tes mots ! Il me fallut beaucoup de questions pour en comprendre le sens. Les arguments vinrent et ils étaient acceptables, même si rien ne me faisait plaisir. Elle aurait dit sur tes mots, j'aurais pu me sentir en mouvement, chevauchant vocabulaire et grammaire et les menant vers des cieux lumineux. Que nenni ! Il s'agissait bien là de lourdeur et, surtout, d'autarcie. En gros, j'écrivais pour moi. Je ne tenais pas compte de l'interprétation de mon lecteur. Evidemment, cela contrarie un peu. Surtout quand c'est vrai. Car c'est vrai. N'ayant rien à vendre, je ne tiens pas compte de la réception. Je me dis que chacun y pioche ce qu'il veut et advienne que pourra. Au final, je croyais ma démarche modeste, et elle devenait autocentrée. L'échange fut donc riche. Mais il ne changea rien au fond. Ni à la forme, si je puis dire. 

Je vais continuer, assis dans mes mots, à ouvrir, occasionnellement, de petites fenêtres pour que quelqu'un puisse s'y pencher et voir s'il se passe quelque chose à l'intérieur, s'il reste encore quelque lumière dans la grotte. Et pas plus.

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