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4 mars 2013

La trempérance

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La trempérance est un trait de caractère peu répandu et c'est dommage. C'est celui du révolté-sage, celui du vieil anar qui a rangé les manifestations de sa révolte sans avoir renié les ambitions de ses idéaux. La trempérance, c'est de l'acquis modérant aggloméré sur de l'inné rebelle, comme le calcaire, avec le temps, colmate la micro-fissure d'où il vient renvoyant la calgonite à sa réclame construisant l'inconscient collectif.

Cinquième vertu cardinale si l'on peut dire ainsi, elle en englobe au moins deux autres, sinon les quatre. Le trempérant est conscient de ses forces du moment et saura prudemment ne s'attaquer qu'aux moulins accessibles. Néanmoins, son courage intact résistera comme un roc aux formes d'injustice qu'il croiserait. Résistant passif, combattant pacifique et flegmatique passionné, il est l'eau calme qui bouillonne dans ses profondeurs, la zénitude éveillée et la douceur coriace.

Sa colère veille en coulisses. Mais elle ne se manifestera que pour une cause qui en vaut la peine, une fois par vie peut-être, deux tout au plus. Le langage populaire lui attribuerait de virils atouts s'il daignait lire au-delà des apparences car la discrétion de l'homme ira jusqu'à nier qu'il cache sous des traits angéliques une dague à multiples tranchants et coup unique. On croit le trempérant endormi parce qu'il est transparent et conciliant alors que son volcan attend l'heure, qui peut-être ne viendra jamais, d'avoir le geste juste, juste bon à changer le monde.

Si on voulait lui donner un visage, on lui collerait celui de Cavanna - ou d'Antoine Clément (private-joke) - qu'on affublerait d'une cravate et d'un costard. Les anars en costard sont les plus redoutables. Ils ne gesticulent pas comme des facteurs médiatiques, des pseudo-humanistes plus auréolés de projecteurs désirés que d'émanation divine, non, les trempérants labourent en silence, creusent des sillons comme chevaux de labour, à un rythme lent et régulier, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il apocalypse, sans se soucier des risques d'éléctrocution, de fond de teint qui coule ou de recette médiocre, voire inexistante. 

La trempérance n'est pas fourbe. Elle ne cache rien. Elle ne voit pas l'intérêt de fanfaronner, c'est tout. Si elle n'aime pas le risque pour le risque, elle a le coeur vaillant le moment venu, sans tambours ni trompettes. Sobre et exigeante, discrète et responsable, vous pouvez compter sur elle, sa loyauté est sans limite. Elle ne dépend pas des évènements extérieurs, n'a rien à gagner et rien à perdre, mais tout à donner. Pas donner pour recevoir, comme on l'entend souvent. Donner en recevant, tant l'action est simultanée. Recevoir l'action de son don.

A lire ce portrait, on jurerait que le trempérant n'existe pas, tant il est idéalisé. Et pourtant chacun de nous en a rencontré sur son chemin, mais l'oeil ébloui par la lumière n'a pas toujours su observer côté coulisses, dans l'ombre, pour y voir la pépite de la vie, briller en toute modestie.

(C'est fou comme les mots-valises aident à voyager en écriture. Et, espérons-le, en lecture aussi)

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