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Singulier Pluriel
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25 mars 2013

Monsieur l'albatros

03

Il vous en a fallu du temps, Monsieur, pour savoir que vous étiez un albatros.
Tant les chiens, les moutons et les chacals ont mis d'attention à vous convaincre que vous n'étiez qu'une larve, une limace, un moins-que-rien.
Vos journées et vos nuits furent longues à scruter votre âme avec la lucidité honnête et la cravache intransigeante.
Peu à peu, à la force de votre seule persévérance, épaulé par l'humilité, vous vous êtes hissé au rang de votre propre dignité. Vous commenciez à vous reconnaitre. Vous commenciez à douter de votre médiocrité. Vous commenciez à comprendre pourquoi les fronts bas appuyaient sur le couvercle. Vous étiez, Monsieur, la concurrence, le révélateur de leurs ambitions bas-de-plafond.

Mais les années passaient.
Et déployer vos ailes au sol vous faisait prendre trop de place. Encore quelques crocs-en-jambes ralentirent votre apprentissage. Vous commenciez à savoir déjouer les pièges et à lire dans les pensées. Plutôt à faire confiance à votre lecture des pensées.
Parce qu'un albatros croit d'abord que les autres volent plus haut, vous vous sous-estimiez. Lorsqu'il perçoit que lui aussi sait voler, peut voler, il pense que tous les autres volent aussi. Et vous l'avez pensé.
La grande déception apparait le jour où, de confiance en confiance, l'oiseau prend conscience que certains marchent, bien sûr, que beaucoup rampent, c'est sûr et parmi les rares qui volent, peu nombreux sont ceux qui ont coupé le fil qui les relie au sol ; celui qui fixe la limite. Le rase-mottes est courant.

Roi de l'azur, vous avez fini par savoir, Monsieur. Mais, cela ne suffit pas. Il vous est encore impossible de le dire, de le partager, de l'exprimer.
Le récepteur s'en sentirait immédiatement rabaissé, lui qui ne conçoit que la compétition et la hiérarchie. Lui qui combat et louvoie à hauteur de pâquerettes. Ignoble prétentieux, vous êtes disqualifié. Ne cherchez pas à convaincre, vous vous marginalisez. Taisez-vous, Monsieur, la masse est sourde par instinct de survie.

Mais, la fermentation œuvre en silence. Elle prend son temps. 
Libéré du regard des autres, vous commencez à côtoyer les sphères les plus hautes. Sans honte. Sans retenue. Et sans peur.
Vous sortez du rang. 
Vous devenez, Monsieur. 
Vous approchez, Monsieur.
Vous allez être, Monsieur.

Voilà.

Vous êtes enfin un albatros parce que vous pouvez dire :

"Je suis un albatros"

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Commentaires
C
"Plus on constate qu'on n'est pas comme tout le monde, plus on veut être comme tout le monde. Et c'est là, l'immense connerie. T'as beau faire, tu n'y arriveras pas. Et tu vas te piétiner la vie. T'emmerder à crever, d'abord, parce que ce qui leur convient, à eux, t'emmerde à crever. Et puis culpabiliser, parce qu'au fond tu sais bien que tu frimes, que c'est pas du vrai, que ce sont eux, eux tous, tout le troupeau de cons, les milliards de milliasses, aussi nombreux soient-ils et le fussent-ils plus encore, c'est eux qui ont tort. Mais ils sont le Nombre, le monde est fait par eux, pour eux.<br /> <br /> Tu es une erreur. Tu es en exil.<br /> <br /> Tant pis pour toi"<br /> <br /> François Cavanna
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C
Courts ou longs, tes commentaires font toujours plaisir. Merci.
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S
Très beau texte. Tu l'auras peut-être remarqué avec mon dernier commentaire sur ton portrait de paternel, la longueur de mes commentaires est souvent inversement proportionnelle au degré auquel je suis touché. ici, par exemple, je n'ai déjà été que beaucoup trop bavard ;-)
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