Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Singulier Pluriel
Singulier Pluriel
Publicité
Singulier Pluriel
Derniers commentaires
Archives
1 avril 2013

Le lit portugais

31 mars 2013 (1)

J'ai huit ans. C'est l'été.
Sans doute lassés d'aller nous ouvrir les genoux sur les tessons de bouteilles de la décharge qui nous sert d'horizon, mon frère et moi, décidons de changer de jeu.
Nous irons mimer les gestes de l'ouvrier sur une vieille grue orange qui a pris racine entre décharge et cimetière. Nous l'aimons beaucoup cette grue. Elle nous est familière et, sur le chemin de l'école, en retard ou pas, nous y faisons une pause, même éclair, tous les jours.
De plus, elle est voisine du majestueux noyer protecteur, grand-père de substitution. Les vrais sont morts et loin ou loin puis morts. Ce qui revient au même.
Nous apprendrons, bien plus tard, quarante ans plus tard, que ce noyer avait abrité notre première demeure française, une caravane immobile, experte en création de souvenirs indélébiles.
Nous comprenons mieux pourquoi ce noyer nous a servi de chêne et de racines très longtemps.
Plus tard, c'est sous ses branches que nous ferons une pause lorsque nous ramènerons l'eau du cimetière jusqu'à la maison. L'enfant poète se demandera pourquoi on ne peut pas aussi ramener l'électricité dans des seaux.

Bref. Nous jouons ce jour-là un peu plus loin pour éviter les blessures.
Le grand frère qui doit savoir ce qu'il fait puisqu'il a dépassé les dix ans, m'entraine dans un baraquement.
La porte est ouverte. Les lieux sont déserts. Ca sent la morue séchée si fort que je veux fuir. Pas question, le jugement de lâcheté par l'aîné serait instantané. Je suis. 
C'est là qu'habitent les Portugais. Des hommes seulement. "Certains sont venus en marchant depuis leur pays ; ils ont traversé les montagnes pieds nus dans la neige", c'est ce qu'on répète sans cesse à nos oreilles d'enfants. Il doit y avoir du vrai.
L'occasion fait deux larrons qui empoignent un lit pour le voler. Tout simplement. Un lit en fer qui pèse trois tonnes. C'est lourd, alors, ils le trainent un peu, sans discrétion. 
Alerté, un homme apparait soudain en tricot de corps et barbe de savon. Les voleurs se font anguilles et n'ont pas le temps d'entendre le juron lusitanien qui leur est si familier. Le "caralho", bien que certain, ne les atteindra pas.

Voler un lit quand on n'a pas la place de le mettre chez soi, c'est un peu imbécile.
Mais voler un lit parce qu'on en a marre de dormir à trois dans le même, c'est un peu compréhensible.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Ces commentaires-là.......... alors merci. <br /> <br /> (je crois que l'ami Louis-Paul est assez friand aussi).<br /> <br /> Mais "écrire pour son public" m'a toujours paru assez opportuniste.<br /> <br /> Je pense que je vais garder ma stratégie de chaud et froid ;-)
Répondre
P
ces posts là je sais que tu les écris pour moi ...alors merci!
Répondre
Publicité