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18 août 2020

Proust sur le tard

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J'ai rencontré Proust à plus de soixante ans. C'était l'année dernière. Depuis, je l'ai suivi méthodiquement. Il ne me reste que Le Temps Retrouvé pour terminer la lecture de La Recherche comme disent les spécialistes. Ce sera chose faite très bientôt.

Je sais déjà que je ne serai jamais un de ces spécialistes. Ceux qui décortiquent, analysent, ont l'oeuvre intégrée, connaissent par coeur la chronologie des événements et pourraient en écrire un bouquin tout entier truffé de citations de haut vol. Il y a tellement matière, me direz-vous qu'on comprend que le fan-club soit si abondant.

Et pourquoi avoir attendu tout ce temps ? Du temps perdu, pourrait-on dire. Non. Ce n'était pas l'heure, voilà tout. Je n'osais pas. J'avais encore les retenues et les complexes de l'autodidacte, de celui qui croit que ce n'est pas pour lui, qu'il ne sera pas à la hauteur de cette littérature. Je pourrais évoquer la paresse face à ces pavés écrits serrés, sans chapitre et si peu de paragraphes, face à ce style. Mais, je penche plus volontiers du côté de la peur. Et l'âge aidant, je l'ai surpassée avec l'idée de ne pas mourir idiot. Je mourrai, je le sais maintenant, plus riche.

J'ai donc attaqué la lecture en me disant qu'on verrait bien. Et j'ai vite vu. Happé, presque hypnotisé, j'ai cheminé sans effort, parfois sans conscience et pourtant accroché par un style, une souplesse et une légèreté que d'autres n'y verront pas. J'ai trouvé, au même endroit, ce qui m'intéresse le plus : les comportements humains et leur analyse. Allier psychologie et don de transcrire ses observations, ce n'est pas donné à tout le monde. Comme associer une hypersensibilité à une intellectualisation permanente, c'est nous faire un énorme cadeau. On a tant vu, tant lu, des émotions sans analyse, des analyses sans sensibilité, que ce cocktail fait mouche. Disons que chez moi, il a fait mouche. Ajoutons que le classicisme de la langue est de toute beauté, qu'il nous laisse glisser dans le fin et le délicat, le juste et le précis. Proust rend son lecteur intelligent. Quoi de mieux ?

Autant de qualités de l'auteur et autant de plaisir à le lire n'ont, néanmoins, pas détrôner Stefan Zweig du podium de mes écrivains préférés. Mais, il a fallu recourir à la photo finish. Et Maupassant n'est pas loin. 

Je ne peux conclure sans, à mon tour, déposer ici une citation. Il est vrai, qu'à chaque page de l'oeuvre, on s'attend à une pépite qui saute aux yeux (cela m'avait fait la même chose avec Céline). Et lire avec le seul but de ne pas rater la pépite, c'est déjà pas mal. En attendant de retourner à la pêche dans le dernier tome, voici la citation de l'avant-dernier, Albertine disparue :

"C'est la vie qui, peu à peu, cas par cas, nous permet de remarquer que ce qui est le plus important pour notre coeur, ou pour notre esprit, ne nous est pas appris par le raisonnement mais par des puissances autres. Et alors, c'est l'intelligence elle-même qui se rendant compte de leur supériorité, abdique par raisonnement devant elles, et accepte de devenir leur collaboratrice et leur servante"

Autant dire une révolution dans mon esprit cartésien.

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