Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Singulier Pluriel
Singulier Pluriel
Publicité
Singulier Pluriel
Derniers commentaires
Archives
8 mai 2021

Du sens des sens

IMG_20210508_114126

Je ne découvre rien en constatant que certains des sens sont très peu développés chez moi. Je n'ai pas d'oreille, mais alors pas du tout. Je ne reconnais aucune musique (ah, au clair de la lune, peut-être). Je chante très très faux. Aux dires des autres bien sûr, car pour moi, tout va bien. Je n'ai pas de goût non plus. Je confonds tout. Incapable de désigner un plat. Ca me dit quelque chose, je suis déjà passé par là, mais y mettre un nom, cela m'est impossible. Pour le visuel, je ne vois qu'un tableau, une image globale, aucune chance que je puisse me souvenir des objets d'une pièce, des détails d'une scène. Je photographie large. Pour l'odorat, je suis nul aussi. Je réponds à côté à chaque question. Cela me rappelle des ambiances, des souvenirs, mais je ne peux nommer l'odeur.

Car il faut le dire, en captage d'ambiance et en stockage de souvenirs, je suis imbattable. Je sais bien que cela passe aussi par ces sens si peu développés chez moi, mais, alors c'est bien caché. Car je ne suis pas insensible aux choses, je n'y suis pas attaché. Consciemment. Parler des heures, de l'éclat des capucines ou du goût des madeleines, me fatigue. Disserter sur les parfums de Grasse ou d'ailleurs m'épuise. Je ne veux pas, je ne peux pas intégrer des choses que je ne sais pas traduire en mots. Ce qui suit relèvera peut-être de la contradiction, car...

j'ai plongé la tête dans un pot de basilic et cela m'a fermé les yeux et transporté. Offrez-moi du jasmin et je voyage dans le passé, le muguet me bouscule aussi et, par dessus tout, le lilas me fait fondre. L'odeur des crêpes me pousse sur les cartes IGN, vers l'Ouest et les spaghetti à la sauce tomate m'envoient dans les ruelles de ma ville natale. Hier, j'ai mangé une pomme, une Pink Lady, dit l'étiquette. Alors, c'est le chemin des écoliers de mon enfance qui s'est reconstitué. Entre la maison et l'école, nous sommes autour de 1965, au-dessus du cimetière et des potagers, avant la maison des jeunes, s'étendait sur plusieurs centaines de mètres, un verger. Des pommes, des pommes et des pommes, à portée de main pour des enfants, quatre fois par jour. Elles nous faisaient arriver en retard partout. On ne pouvait s'empêcher d'en croquer une à chaque passage. Eh bien, cette pomme d'hier avait le même goût, exactement, que ces pommes-là. Les Pink Lady existaient-elles dans les années soixante ou mes sens s'arrangent-ils avec la mémoire et l'émotion ? 

Au bout du compte, moi qui croyais n'avoir que le sens, du sens et des mots, développé, je suis peut-être comme tout le monde, sauf que mes sensations restent dans les coulisses. J'ai les sensations modestes, voilà tout. Sauf pour l'oreille, là, je crois vraiment que je suis handicapé. Quand j'entends des gens parler de chair de poule à l'écoute d'une musique, je me dis qu'ils sont soit menteurs, soit extra-terrestres. La musique ne me fait rien, rien de rien. Certaines chansons me font du bien, mais il faut qu'elles soient en français et que les mots soient audibles. Bref, il me faut du sens, pas des sens.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité