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19 novembre 2012

Le psylosophe de la Butte

P1070347

Le psylosophe avait une réputation jamais démentie dans tout Paris. "C'est un bon" disait-on de lui. Il guérissait à la vitesse d'un TGV dans un art où l'efficacité demande du temps. Le turn-over de sa patientèle inquiétait certains et suscitait des jalousies.
On le disait fou. Mais ce n'était pas d'une grande originalité dans la profession. On colportait quelques ragots jamais vérifiés. On doutait de sa déontologie et de son sens éthique.
Tout cela n'avait jamais atteint son moral. Sa détermination restait toujours la même : Aider à l'autonomie et à la responsabilité.
Psylosophe, il le revendiquait. Panseur et penseur à la fois. Il ne savait dissocier les deux. Un excellent moyen pour se faire des ennemis.
Chez lui, les thérapies brèves devenaient thérapies expéditives. Lorsqu'on n'avait plus d'arguments à lui opposer, on arguait, d'un air entendu, que le temps finirait par donner raison à ses détracteurs.

Mais qu'avait-il de plus, cet original, ce gourou diplômé, cette forte tête insubmersible ?
Un scribouillard avide de gloire avait dans le passé tenté de percer le mystère en fouillant ses poubelles biographiques. Rien. Il ne trouva rien. Ou plutôt, il ne sut pas relever un détail pourtant capital. Aussi, l'anecdote racontée par la sage-femme de la place Saint-Pierre, retourna dans les oubliettes.

Depuis longtemps déjà, le psylosophe avait sa marque de fabrique. Il était passé maître en contre-transfert amoureux. Il aurait pu breveter l'exercice tant il était singulier. Il appliquait le contre-transfert amoureux préventivement. C'est ce qui lui donnait cet air abrupt, direct et rude. Et c'est ce qui rendait ses résultats fulgurants. Un côté "ça passe ou ça casse" qui passait toujours.
Mais tout psylosophe et tout expérimenté qu'on soit, la routine guette et tend ses pièges. Le professionnel repoussa trop tôt, par habitude, par réflexe, un cœur pur qui n'eut pas le temps de s'offrir.
Il s'en mordit les doigts et commença à décliner. Bientôt, la rumeur et l'Ordre finiront par avoir raison.
Amoureux fou, sa proie était déjà loin. Guérie, rassérénée, solide, elle avalerait désormais la vie, pendant que le guérisseur subirait les affres de l'éconduit. Comble de malheur, éconduit par lui-même.
La belle n'en saurait jamais rien.

La chute fut terrible. Le parvis de Notre-Dame hérita d'une bouillie de psylosophe amoureux. Au sol, deux cœurs brûlants clignotaient comme des feux de détresse. Les touristes apeurés crurent voir le cœur du Christ dédoublé et s'agenouillèrent devant la carcasse diplômée et fumante.

Au quai des Orfèvres voisin, personne ne prêta attention aux conclusions de l'enquête de l'inspecteur Jacquot :
"... le suicidé avait dans la poche de son imperméable la page arrachée d'un livre, la page 101 pliée en quatre : "Ce fut extraordinaire, de voir, à travers la fontanelle, un cerveau de nouveau-né aussi lumineux. Il avait la forme d'un cœur. J'ai cru à un miracle. Un sacré cœur dans la tête. C'était bizarre. Comme s'il avait voulu associer amour et intelligence" C'est ce que nous livre Juliette, la sage-femme qui vit naître Benjamin Herzmann, psylosophe"

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