Le silence

27 février 2013

Quand on a critiqué le conservatisme, puis qu'on a critiqué sa critique systématique, puis qu'on s'est demandé si c'était nécessaire de critiquer ce nouveau conservatisme consistant à critiquer l'ancien...
Quand de surcroît on s'est rendu compte que ces mouvements et ces vagues, vie moderne aidant, se répétaient de plus en plus vite, que la mode se démode et revient, le temps d'un clignement de paupières...
Quand le manque de souffle, à vouloir rester debout, à l'heure, à jour, sans s'immobiliser, nous fatigue...
Quand l'uniformité nous porte au coeur, que la nausée nous inciterait à l'exil définitif...
Quand la pensée, sa pensée est mise en boîte de l'interprétation de l'autre, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, quoi qu'on explique. Classifiée, tamponnée, rangée, cataloguée, définitivement. Tant l'autre a peur de la complexité pour chercher à comprendre, peur de la simplicité pour chercher à apprendre, peur du vide pour oser un pas vers l'inconnu, peur du doute pour tenter l'introspection, peur de la nuance, de l'effort et de la réflexion pour affiner et ajuster. Certitudes, terrains balisés, casernes et barbelés, prisons et croyances, rassurent même si les mots parlent de vent, d'espace, d'horizons nouveaux et d'aventure. Quand l'incompréhension semble vouloir être la règle, que l'absurde est mis au pouvoir et glorifié comme rempart au risque...
Quand bouche bée, souffle coupé, on découvre l'incohérence assumée et défendue, qui brandit un drapeau Liberté et, doigts crochus, ensserre ses griffes sur ses acquis, vilipende le capitalisme et compte ses sous, ses points de retraite et ses tickets de restaurant et de Loto, se nomme citoyenne du monde et défend le protectionnisme ouvrant ses frontières dans un sens pour les fermer dans l'autre...
Quand on constate que l'individu moyen aime faire des noeuds pour les défaire, qu'il aime plus les faire que les défaire, qu'il creuse pour reboucher et rebouche pour creuser sans jamais rien ériger...
Quand on finit par se surprendre à souhaiter le silence comme seule réponse à tout...
on se tait.

Quand le silence passera aussi bien que les mots
Quand les muets ne seront plus infirmes
Quand seuls nos regards communiqueront
Quand seules nos peaux communiqueront
Quand les esprits se feront complices
Quand les langues vibreront sans musique
Quand nos oreilles se feront sourdes
Quand le silence sera vainqueur
Quand les poètes se tairont
Quand les poètes se tueront
Quand le silence silencera
Quand le silence seul sera
Quand le silence...
Le silence...
Le silence... Silence