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26 juin 2013

Yolanda

12 mars 2013 (1)

Comme chacun sait, l'Italie est aphrodisiaque. Y mettre les pieds, c'est s'exposer aux pires dérèglements du comportement. Une prise de pouvoir de la pulsion n'est pas à exclure.
Aussi, passée la frontière, il convient d'être vigilant.

Jugez plutôt ce qu'il advint à un homme sage et tranquille qui eut, circonstance aggravante, l'idée de commander un café serré à la terrasse d'une trattoria avec vue sur le port.
Doublement bien accompagné, le féminin en stéréo, son café prenait goût de péché et parfum de paradis.

(Sentant votre curiosité émoustillée, je me dois de vous avertir, par honnêteté,  que vous ne trouverez dans les lignes suivantes rien de croustillant, ni même gentiment polisson.
Déçus ? Je comprends. 
Je le serais aussi. Mais c'est ainsi)

Sans doute encouragée par l'ambiance italo-estivale, la voisine de notre homme prit la liberté et le risque de proposer une lecture divinatoire du marc déposé dans la tasse vidée. Car c'était un risque. L'esprit cartésien du monsieur était connu de tous. La logique aurait voulu qu'il l'étouffât d'un discours doctoral classique très répandu chez les Saint-Thomas de comptoir et l'excès aurait pu l'amener à ligoter l'hystérique sur quelque mât voisin avant d'y mettre le feu.

Mais, l'été... le café... l'Italie... les femmes et tutti quanti l'avaient rendu docile, ouvert, tolérant... étonnamment disponible.
Il se laissa faire.
- Je vois de l'argent... beaucoup d'argent...
 (L'air était inspiré comme il se doit)... Tu n'auras rien à faire... ça viendra tout seul... je vois que cela vient d'une femme... une femme que tu ne connais pas encore... (Balaise ! Va-t-elle nous donner son adresse ? Son téléphone ? Ses mensurations ?)... Elle s'appelle Yolande... (Un dernier regard dans la tasse)... Non. Yolanda ! Elle s'appelle Yolanda.

Mais que mettent-ils donc dans le café en Italie ?

Les mois passèrent et l’horizon n’accouchait d’aucune Yolanda.
Sans jamais l’avouer (vous pensez) il fouillait sa mémoire, arpentait Internet, lisait toutes les enseignes, dévisageait les passantes. Rien. Aucune tante d’Amérique. Aucune Yolanda. Même pauvre.
Il se souvenait bien que c’était le vrai prénom d’une chanteuse suicidée dont l’un des proches était son homonyme. Coïncidence ? Signe ?
Ses pensées s’envolèrent. Il devenait le chouchou de ces dames. Toutes les Yolanda de la terre à ses genoux. Atteint du syndrome de sur-puissance, il s’imaginait en Gigi l’Amoroso, flatté, adulé, cible de toutes les femmes du village global.
Non. Il fallait changer de piste. La succession était sans doute réglée depuis longtemps et c’était ridicule.

Il finit, l’imbécile, par inventer une petite histoire qu’il déposa sur un blog : « Cherche Yolanda désespérément ».

Il escomptait ainsi qu’une Yolanda généreuse et si possible moribonde, dans un dernier sursaut, active un moteur de recherche intelligent. Celui-ci lui offrirait un héritier digne de sa fortune ; c’est-à-dire désintéressé et respectueux au point de ne proposer aucune contrepartie humiliante.
Le marc de café aurait parlé. Punto e basta ! (un point, c'est tout !)

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