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Singulier Pluriel
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24 septembre 2013

Trente ans et rien dedans

04 juin 2011 (3)

Cette année m'a offert une expérience des plus inattendues. Aussi désagréable fut-elle j'ai cherché à en tirer quelque chose. Mais j'étais bien naïf d'imaginer que l'évènement serait sans conséquence sur mon moral.

Nous sommes fin juin dans une région où le temps est toujours incertain, dans le grand jardin d'une demeure bourgeoise à la campagne. Trente-cinq convives vont fêter les trente ans de mariage du couple d'hôtes. Le concept même aurait dû me faire fuir. Mais parfois, même les plus bougons lâchent prise et se laissent faire. C'est d'ailleurs souvent dans un souci d'abnégation pour faire plaisir à d'autres. Au hasard, leur conjoint. Après acceptation, j'avais décidé de faire le dos rond avec l'espoir secret qu'il s'y passerait, malgré un décor classique et un scénario écrit d'avance, un coup de théâtre qui aurait pimenté la journée. Faux espoir. Il ne se passa rien. Pire, l'angle de l'observateur-enregistreur ne suffit pas à me sortir d'un ennui que je n'avais pas connu depuis longtemps.

Tout y était. Le traiteur, le barbecue géant, le cadeau collectif pour arriviste (une cave à vins), le chapiteau dans le jardin avec tables alignées et fleuries, le menu imprimé au bureau avec des pleins et des déliés, le discours de bienvenue et celui de remerciements, yeux brillants et début de boule dans la gorge... Trente ans, vous pensez ! (Le début de boule dans la gorge, c'est toujours mieux, ça fait maîtrisé, genre j'ai une émotion forte mais je reste pudique)... quelques inaudibles fadaises sur les hauts et les bas de la vie de couple et que finalement ce sont les hauts qui l'emportent... (Rien que de l'écrire j'ai peur de gerber sur mon clavier)... et que... on pense à la jeunesse à qui on souhaite et patati et patata. Mais qu'est-ce-qu'il fout le Bon Dieu ? Ça mérite un châtiment aussi soudain que divin ce genre de niaiserie.

Rien ne me fut épargné. Un livre d'or a même circulé. En d'autres temps j'y aurais bien déposé une belle envolée sincère, mais mon expérience freina ma franchise et je choisis l'évitement de peur de créer une tornade qui aurait pu décoller le chapiteau. Plus le temps passait plus je croyais avoir atteint le sommet de la beauferie. Quand on dit sommet, cela veut dire bas-fonds. Mais non, le déroulement de la journée me prouva que tout était possible.

Aussi, on vit arriver un magnum de champagne avec la photo des mariés trentenaires sur l'étiquette. Cuvée Machine et Machin. La grande classe !!! Et tout le monde d'applaudir. Mais où suis-je tombé ? C'est une caméra cachée ? Ça existe en 2013 ? C'est "Portes Ouvertes à Sainte-Anne" ? Et la pièce montée ! Ah la pièce montée ! Un truc à plusieurs étages en colimaçon (la créativité des pâtissiers est sans limites) avec au rez-de-chaussée, sur des feuilles de guimauve les prénoms des intéressés enlacés et chocolatés ; ça la guimauve, pour le coup, c'était bien vu. Puis, la maîtresse de maison, comme elle le fit trente ans plus tôt, posa pour tous les photographes, couteau à moitié enfoncé et sourire de rigueur pendant que le fraisier commençait à dégouliner au soleil. Reste le petit cadeau que c'est pas grand-chose mais qui fait tellement plaisir. Accrochez-vous ! Restez assis ! La chute pourrait vous être fatale. Le petit cadeau tout simple est un album-photo relatant ces trois merveilleuses décennies d'une vie magnifique et qu'on veut bien signer pour au moins autant (Mon Dieu qu'ils sont bêtes !). Et c'est grâce à la complicité du fils qui, petit cachottier, a subtilisé les photos dans l'armoire familiale que cette énorme surprise a pu rendre tout ce petit monde heureux. On dirait une pièce de théâtre. Chacun connait sa réplique à la perfection et joue à merveille. Ils ont dû répéter, c'est sûr.

Restent les conversations. Quoi dire qui ne pousserait pas au suicide n'importe quel humain normalement constitué même s'il n'est pas un grand idéaliste ? Alors, faisons court pour ménager notre lectorat : la vacuité dans toute son horreur et l'écho du vide en plus. Vide, absolument vide. Une éclaircie m'est apparue lorsque j'ai échangé avec un marathonien, puis plus rien. Rien dont on puisse se souvenir en tous cas, rien de palpable, rien qui ait tenu plus longtemps que sa formulation. Vide.
Pourtant tout le monde semblait ravi. La journée avait tenu ses promesses et le ciel, pourtant menaçant, avait lui aussi décidé de ne pas gâcher la fête. On mange, on boit, on bouffe et on picole, du matin au soir et tout le monde est content. Entre deux bouchées et deux gorgées on parle de bouffe et de boisson et la vie est belle. Hé, faut pas se prendre la tête, c'est facile la vie. Seul quelque pisse-froid se croit obligé de tout voir de travers pour faire son original.

On se donna rendez-vous dans dix ans et j'ose espérer pour eux que ce n'était qu'une formule. En ce qui me concerne, je ne fais jamais deux fois la même erreur.

(la suite ou plutôt l'histoire dans l'histoire)

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Commentaires
D
@ Barbara : pourquoi rabat-joie ? Quelle joie ? ;-) <br /> <br /> @ Claudio : Il me semble quand même que que tu oublies juste de noter que que ce rien des uns et le "tout" des autres et que probablement, chacun a mis une énergie extraordinaire pour que la fête soit inoubliable. La preuve : même pour toi elle l'a été !<br /> <br /> C'est qu'il s'en est passé, des choses !!! <br /> <br /> Dictature du visuel, de l'apparence, et je n'ose imaginer combien ça a coûté, tout ça, en sonnant et trébuchant.Et je n'ose imaginer les préparations, les tenues, les maquillages. <br /> <br /> En tout cas, je suis heureux de n'avoir pas été de la "fête" et je suis admiratif : tu es tenu le coup, bravo !!!
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B
Mais quel Rabat-joie! Ah Claudio, je te reconnais bien! Tu es terrible de ce côté là!
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