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16 janvier 2014

d'Artagnan

Il fallait alimenter la Caisse des Ecoles. Aussi, chaque année, après nous avoir transformés en petites mains chargées de construire les chars du défilé du village, on nous formait au dur métier de "vendeur ". A chacun son carnet de 10 billets de tombola. Pas le choix.

Déjà, à l’école primaire, les jeux étaient faits. Gilles serait bon vendeur, il avait du charme. François rendrait le carnet plein. Denis, gosse de riches, devrait sa réussite à ses parents. Il y avait aussi les sprinters, Philippe et Mathieu. Les bons coureurs n’étaient jamais les intellos. Pourquoi ? Il faudrait se pencher sur la question. Plus tard. Toujours est-il que leur avantage était certain. Dès 16h 30, ayant bien intégré, pour une fois, la leçon du chemin le plus court, ils visaient la grande demeure du village et filaient droit. Parfois, c’est dans la vaste cour d’entrée que les crocs-en-jambes décidaient du vainqueur, en dernière minute. Chacun savait, sans même en avoir fait l’expérience, que les Guy achetaient les 2 premiers carnets entiers d’un coup et c’est tout. Les petits gros, à lunettes ou pas, ne rentraient jamais dans la compétition. Il leur fallait trouver d’autres astuces.

Mes frères et moi, faisions dans "l’étranger". D’abord, parce qu’il était à proximité. Ensuite, parce que jamais un Polonais ou un Marocain ne refusait un coup de pouce à un petit Rital. Question de solidarité. Les pauvres et les ouvriers, c’est comme ça… C’était comme ça. Cela dit, il fallait tout de même être un prospecteur besogneux. Car aucun des ouvriers voisins ne prenait plus d’un billet. 10 billets, 10 clients. Nous revenions en classe, carnet de souches effeuillé. Fiers du travail accompli.

Mais autre chose nous remplissait d’orgueil : les noms des acheteurs devaient apparaître sur les souches. Et chaque année, à chaque fois, nous exhibions un nom qui faisait écarquiller les yeux des Français, des sprinters et même de la maîtresse.

Nous avions vendu un billet de tombola à d’Artagnan ! Pas moins.

Et ce d’Artagnan-là, pas gascon pour un sou, était originaire, on ne le croirait pas, du même fin fond d’Italie que nous. Là où, qui prétendrait avoir un patronyme ne se terminant pas par une voyelle serait un menteur. La preuve. Si on écrivait bien D’Artagnan, on disait "Tartagnà". Question d’intégration.

Comment était-ce possible ? Je regrette aujourd’hui d’avoir laissé ce mystère sans réponse.

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