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Singulier Pluriel
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15 décembre 2014

...puis, vint le poète

Jusque là, tout allait bien, le monde tournait de travers dans sa normalité. Les vaches étaient bien gardées et les moutons noirs ostracisés. Personne ne trouvait rien à redire. Les idéalistes rentraient peu à peu dans le rang, convaincus par d'autres que, quand même, fallait bien bouffer et que le quotidien et le terre-à-terre étaient incontournables, qu'il valait mieux s'y plier et qu'après tout, une chaise longue fait bien moins mal au dos qu'un travail acharné à vouloir redresser les torts et les tordus. Un peu d'anesthésie gentiment épandue par des canaux divers satisfaisait la plupart.
Jusque là, tout allait bien, l'illusion faisait office de réalité et tout le monde l'acceptait. Le quidam comédien ne jouait plus. Son rôle intégré, le jeu devenait sincérité. L'authentique et le factice avaient fait cause commune. Il importait peu de savoir lequel des deux s'exprimait, le vrai et le faux-semblant avaient le même effet. Et tous, ou presque, y trouvaient leur compte. Il suffisait d'apprendre à jouer, d'avoir son diplôme en apparence et la fluidité perpétrait le dégoulinement. Les eaux coulaient, naturellement, vers le plus bas.
Jusque là, tout allait bien, on mettait des étais pour contenir l'écroulement et le provisoire devenait définitif. Autour des tuteurs s'aggloméraient calcaire et fossiles qui consolidaient les raccommodages. Le temps passant, les supports d'appui se faisaient structure et le tour était joué, l'artificiel prenait le pouvoir sur l'originel.
Jusque là, tout allait bien, on rognait les ailes des albatros, on coupait les têtes qui dépassent, on dénigrait le premier qui dit la vérité. La coalition de la médiocrité formait bataillon et le plus grand nombre faisait loi. Hors-normes, saints ambitieux, sains élitistes, avant-gardistes et objecteurs de conscience, albatros de toutes plumes se brisaient l'ambition contre le miroir des moineaux de la vie plus sociale qu'humaine, plus morte que vivante.


Tout allait bien,
puis, vint le poète, et... on lui lança des pierres.

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Commentaires
S
Superbement bien dit, superbement concis ! Lapidaire ?
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