Arrêtez de vous suicider, c'est un ordre !

Nino, un jour, dans un champ à tâté de la carabine dans la gueule, un champ qu'on dirait le Sud. Et, ni toi, ni moi, n'étions là.
Tous les Nino du monde, cheminent en des tunnels sans bout pour leur vision de la réalité. Leur angle fait le mort. Pourtant, toi et moi, on devrait être là quand même, pour empêcher la chevrotine d'exploser la sensibilité. On est là, sans l'être, avec notre pudeur extrême et nos idées de liberté, qui nous empêchent toutes les deux d'aller choper l'Autre par les épaules, le secouer comme un prunier et lui en retourner deux, histoire de lui changer la géométrie de l'esprit. Et non ! Drapés de notre amour pour le respect du choix individuel, on les laisse au fond d'un appartement se morfondre et titiller la faux, caresser la bouteille, se tartiner de tragiques desseins. On les laisse, parce qu'il paraît que, parfois, on ne peut rien faire, ils sont trop loin, c'est comme ça. Ils sont vivants mais, ont passé la frontière. Les secouer, serait pire.

Mais, bordel, je défoncerais des portes et leur collerais la gueule dans l'eau glacée d'une mer à peine éveillée, que le sel diffuse un peu dans leur raison, que le voile s'évapore, que le mal touche le fond, je les ferais nager, nager, nager jusqu'à plus force, que l'animal oublié au coeur du corps, se déchaîne sans pensée, qu'il s'envole comme une torpille de sous-marin s'expluse de l'eau, qu'il aille flirter avec le soleil levant, l'orangé de l'horizon et le pêcheur de retour au port. Qu'enfin sur ses pieds, il les masse des galets qui font ce mal qui nous fait du bien. Que ses pas le conduise vers ce maillot bien taillé enfermant une nymphette de juin, opportunément matinale, qui réveillerait un désir primaire et collerait des forceps aux paupières du miraculé, afin de voir plus grand, plus beau, plus vrai.
Non. Je laisse mon téléphone en plan, et, je vais me baigner tout seul. Les Nino se morfondent et les baigneuses sont pour moi qui n'en ai pas besoin, qui n'en ai plus besoin.

Double contrainte. Je bouge et j'empiète. Je ne bouge pas et je culpabilise.
Debout les morts. Arrêtez de vous suicider, c'est un ordre ! Un ordre mou, trop mou, sans doute.