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31 janvier 2021

Un pèlerinage

20 décembre 2012 (4)

J'ai décidé. Si la vie nous laisse un peu d'espace entre une crise sanitaire et un effondrement écologique, j'irai passer une journée à San Remo. Je prends rendez-vous avec tous mes rituels de ces dernières années. A n'en pas douter, ils auront une saveur particulière, sublimée. Déjà, aujourd'hui, rien que d'y penser, j'ai comme un regret. Celui de n'avoir pas goûté ces moments à leur juste valeur. Ah l'insouciance des privilégiés ! Le manque de lucidité des riches ! 

J'arriverai en milieu de matinée. Je me garerai près du port. Puis, par les ruelles piétonnes qui remontent vers la ville, j'irai, tous sens ouverts, en direction du marché couvert. Ciao Roberto come stai ? E la mamma come sta ? Ci vediamo. Toutes ces paroles banales, échangées entre passants, commerçants, me paraîtront de l'Histoire. Je me croirai dans un Fellini, des saynètes en noir et blanc donneront des couleurs à l'espace. Ce sera l'Italie. La vivante. La joyeuse. Et la mystérieuse aussi, celle dont on se demande où elle va chercher cette gaîté malgré les circonstances. Je m'arrêterai au Caffè Ducale, comme avant. C'est tout près du Théâtre Ariston où se tient, chaque année, un célèbre festival de la chanson. Je commanderai un caffè sans préciser Ristretto de peur d'avoir une tasse vide, avec mon meilleur accent italien, de peur d'être servi comme un Français, avec un café allongé. Arrivé au marché, je glanerai quelques madeleines de Proust au milieu des stands les plus colorés du monde. Un peu de mortadelle, des tomates séchées, une pastèque si c'est l'été, un panettone si c'est l'hiver, et beaucoup de verdure chez les producteurs locaux.

Au retour, je ferai ma pause déjeuner à l'Airone sur une place ombragée. J'y dégusterai des spaghetti aux fruits de mer et un verre de Lambrusco. Puis, déchargé de mes provisions, je filerai au bord de mer, au Living Garden, me régaler d'une glace en cornetto, trois parfums à 2,80 euros : amarena, panna et stracciatella, servie comme pour trois personnes. Le deuxième café suivra. Toujours au summum de ce que l'on peut faire comme café. Un café, quoi ! Et ses effets avec. Excitants voire aphrodisiaques. L'esprit sera à la sieste, mais pas les conditions matérielles. Aussi, j'avancerai l'après-midi sur la plage, tantôt en promenade digestive, tantôt assis sur un rocher à penser au temps d'avant les dépressions. Puis comme j'aurai oublié d'acheter du parmesan, je referai un tour chez le fromager, celui qui découpe le morceau devant soi, le plus cher aussi, mais le meilleur, assurément.

Plus tard, dans la soirée, j'irai manger une pizza, qui en Italie ne se mange que le soir, au Caffè per mare, sur le port. Ce sera une Quattro stagioni. Ma compagne aura choisi des aubergines alla parmiggiana. Après avoir refusé le limoncello offert, nous pourrons repasser la frontière, rassasiés d'Italie, de San Remo et de sens réveillés, riches de présent et aussi de passé. Peut-être même revigorés à l'idée que certains plaisirs sont encore possibles. Mais qui sait si cette éclaircie nous sera offerte ? On trouvera d'autres occasions de se donner du bonheur, pour sûr. Des nouvelles, des inconnues, des surprises de la vie. Mais je signe pour ce pèlerinage. Et je prends date.

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