Trop ambitieux

J'ai naïvement cru que la compréhension noble du mot "ambition" s'était généralisée. Qu'enfin, chacun savait de quoi on parlait, qu'on avait un mot qui voulait, grosso modo, dire la même chose pour chacun. Une conversation récente m'oblige à me remettre en selle. On vit au ralenti.

En disant juste "Ambition", sans adjectif, parle-t-on d'ambition sociale ou humaine ? Parle-t-on d'ambition personnelle ou universelle ?
Disons-le et déplorons-le tout de suite. Si votre ambition est humaine et universelle, vous aurez toutes les chances d'être considéré comme un non-ambitieux. Car, encore, de façon primaire, ce sont les honneurs, les postes, les médailles, l'argent et le matériel qui déterminent votre rapport à l'ambition.
Si vous êtes ambitieux pour la communauté, vos semblables, le monde que vous allez laisser derrière vous, vous êtes, en plus d'un parfait imbécile, un utopiste et un loser.
Oui. On en est encore là.
C'est encore ce qui se voit qui compte et ce qui se compte qui se voit.
Faites votre travail en coulisses, désintéressez-vous de la récompense de votre labeur, labourez sans relâche loin des projecteurs sans chercher à vous donner une belle image et vous n'êtes pas bancable à la bourse de l'ambition. Vous vous en fichez et c'est normal, mais que votre abnégation soit, en plus, critiquée et dénigrée, c'est un peu fort de café. Ce qui serait bien vu, c'est que vous ayez les dents longues et que vous jouiez les modestes, ça, ça marche du tonnerre. Les tricheurs éblouissent encore leur monde. Alors, on n'aurait pas évolué ?
Bien sûr, quand vous serez mort, ce sera différent, on risque de vous couvrir de lauriers, mais c'est la pierre tombale qui en profitera.
La prime au paraître, ce n'est pas nouveau. Ce qui me dépasse en ces temps d'information et de savoir, c'est qu'on en soit toujours là.

Alors, oyez braves gens ! Je vous le dis tout net, croyez si vous le voulez que je ne sois pas ambitieux. Et moi, je continuerai à croire que je suis plus ambitieux que la plupart de mes frères humains, trop ambitieux pour n'être ambitieux que comme vous l'entendez.
Ça me met un peu en colère cette histoire. Passer pour un minable quand on est en activité et en ébullition en permanence pour faire bouger les choses, changer la vie, partager le meilleur, et ce, pour tous. Mettre en avant l'humain plutôt que le social, c'est mal vu. Penser aux autres plutôt qu'à soi, c'est mal vu. Sauf, si on est mort et qu'on a laissé quelques maximes qui font jouir quelques niais qui les partagent sur facebook et ne les mettent même pas en pratique dans leur vie.

Alors il faudrait courir après l'argent, le visible, l'avoir et le matériel ! Sans moi. Une bonne fois pour toutes. Je suis copain avec les poètes et les philosophes, pas avec les bourgeois et les gagne-petit. Ces gens-là reproduisent au lieu de révolutionner. Qu'ils fassent leur business sans moi. Et qu'ils me laissent à mes saines ambitions. Je ne cache pas à quel point je me sens meurtri de ce que j'entends parfois, mais je me rassure en me disant que ce qu'ils font, je pourrais le faire sans trop d'efforts, mais ce que je fais n'est pas à la portée de beaucoup. Oui, je suis en colère.
Mes écrits resteront sur un blog à accès libre, partageables par tous sans besoin de me citer. Ils ne diraient pas plus dans un bouquin que je serais obligé de dédicacer derrière une table dans une librairie. (sans intérêt)
Mes peintures ont la même valeur si elles s'entassent chez moi que si elles étaient vendues.
Mon accompagnement et mon intérêt pour les autres êtres humains afin qu'ils soient libres, autonomes, responsables et heureux, n'ont pas moins d'efficacité et de mérite, si ça ne me rapporte rien.
Une bonne fois pour toutes !

Comments

[Eric]

Claudio, j'hésite un peu à répondre, j'y vais sur la pointe des pieds, car ton énervement est plus que palpable.

Tant pis j'ose une critique ou une remarque plutôt.

Si ta vocation d'ambition se porte sur l'humain et l'universel, n'est il pas normal qu'elle s'accompagne de silence et souvent d'absence de reconnaissance par la plupart des tiers.

En effet ce choix de vie, cette philosophie trouve sa plus grande résonnance et sa justification dans le plaisir et la joie sérieuse que tu éprouves à vivre selon tes valeurs, et à mener ta vie selon ton désir.

cette adéquation, cette liberté, cette paix de l'âme ne valent ils pas bien plus que la reconnaissance par les autres ?

Au diable si les matérialistes glorifient l'arriviste et l'arrivé, et tant mieux si les philosophes silencieux reconnaissent la vrai valeur de ton ambition...