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Singulier Pluriel
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27 décembre 2016

Le véritable engagement

08 décembre 2016 (18)Depuis qu'on ne meurt plus de chagrin d'amour, on a perdu le sens de la dignité en même temps que celui du tragique.
On ne risque plus sa vie pour cueillir un myosotis à une fille et il ne nous viendrait pas à l'idée de se coudre un ruban sur la poitrine pour prouver notre amour. Bien entendu, plus personne ne lave son honneur à l'orée d'un bois, au lever du jour et le crime passionnel a recouvert les habits du crime ordinaire, ou presque.
L'époque est à l'aquarelle et pas au Pollock, à la mesure qu'on croit sage et pas au contraste qu'on dit excessif. On emploie du "Je t'aime" à tour de bras, pour ne pas dire à tout-va, et les effusions n'ont plus la valeur que du spectacle éphémère qu'elles présentent.
C'est sans doute la mode du déversement des émotions en place publique qui nous vaut une telle déchéance et une vulgarité qui soulage quand le souffrir-en-silence poussait les créateurs au génie.
Mettre en plein soleil son coeur ou son cul c'est pareil chantait le plus modeste de nos troubadours modernes. Il avait bien raison. Il répondait ainsi, avec la dignité qui sied aux grands hommes qui savent se faire petits, au loup de Vigny  qui "souffrait et mourait sans parler", "creusant lui-même sa tombe en faisant vite en se cachant"
Les temps changent et markettent sans retenue. On croit sauver l'individu du groupe et de l'embrigadement, mettant à jour sa singularité quand on ne fait que mettre en scène son ego et surtout ses blessures mal soignées.
Souffrir sous un bistouri pour exhiber un code barre tatoué par un épicier ou payer pour se rouler dans la boue dans une épreuve sportive et pire encore, risquer sa vie sous les tropiques et des caméras de télévision affrétées par des marchands de soupe, tout cela a ses raisons déraisonnables. On s'inscrit des maximes indélébiles sur ses peaux de débiles sans s'en inspirer dans sa propre vie ce qui aurait au moins permis d'en prouver la véracité.
Ce n'était pas mieux avant, mais si on ne s'attache qu'au sens plutôt qu'aux actions, c'est bien pire maintenant.

L'engagement pour l'honneur, l'amour et la vérité est devenu sépia aux yeux des moins éprouvés. Car quoi ? L'essentiel n'est-il pas de se faire plaisir, de festoyer et de "profiter" de la vie, maintenant qu'on la sait courte, bien qu'elle soit statistiquement bien plus longue justement. On a rajouté du sucre et de l'eau à nos extraits de fruits sauvages pour mieux nous faire durer moins bien.
On dirait qu'on étale sur le temps la confiture qu'on concentrait sur un quignon de pain. Encore si la jouissance et le soleil nous accompagnaient sans suspension, que l'extase nous laissait sur un nuage, rose de préférence, pour le temps long, qui s'en plaindrait ? Mais non, les hauts et les bas ayant été, un jour, admis comme inéluctables, il a été convenu, sans concertation, que le monde serait un spectacle, le quart d'heure de gloire, un dû et que la satisfaction de ses besoins se devait de se confondre avec l'assouvissement de ses désirs.
Au lieu de creuser pour chercher, même sans trouver, on effleure la surface pour se pavaner.
La plupart s'en contente parait-il et le paradis sur terre est plus ami avec eux qu'avec nous. Certes. Bien. Validons. Qu'importe ! Faire partie du commun a des parfums de honte qui feraient s'étouffer le moindre ambitieux singulier. Ne servent à rien les photocopieurs et autres reproducteurs de connu. Les perroquets tous colorés qu'ils sont, ont la créativité molle et la parlotte agaçante. Frères des caméléons poltrons, ils polluent l'air sain que voudraient, pourtant, renouveler les espèces qui cherchent à évoluer, créant un monde nouveau à chaque seconde.

Engagez-vous, rengagez-vous dedans les troupes coloniales disait la chanson. Rien de moins engageant qu'un engagement collectif, dicté et uniforme. C'est le troufion original et réfractaire qui fera l'homme d'exception. Peu de chance pour autant que son vivant connaisse son aura. Il fera des petits quand les petits n'auront plus peur de son ombre. Que cette dernière ne fera plus qu'une avec un corps qu'on osera, enfin, vénérer pour ce qu'il était, donc pour ce qu'il faisait, pensait, labourait.

L'engagement doit être de tous les instants, sinon, il n'est qu'artifice attendant la prochaine récréation. Tu veux y aller ? Vas-y ! Risque ta vie. Pour une amourette ou pour sauver le monde. Qu'importe, lâche tout ! La demi-mesure est l'engagement des demi-portions.  Et si, au bout de ta réflexion tu trouves, qu'ici bas tout est dérisoire, engage-toi dans le non-engagement. Ce n'est pas le plus facile. C'est même celui qui te poussera en touche, à l'isolement. Ce n'est pas toi l'erreur, ce sont eux, même s'ils sont plus nombreux et surtout parce qu'ils sont plus nombreux. Provoque un char d'assaut, marche sur l'eau, prends ton risque, défie une armée, c'est de ton niveau. L'engagement, le vrai, n'est que solitaire. Suis le troupeau et tu ne seras que mouton ; la falaise t'attend, tu plongeras bien au chaud entre tes con-génères.
Fuir la convention et le conformisme, c'est un engagement à la hauteur de bijoux de famille rustiques, ataviques et venus du berceau de l'humanité.
Cyrano ou Don Quichotte, tu t'en fous, bois ta ciguë s'il le faut, tu les vaux tous. Ta cheville, pour eux, c'est l'Annapurna. Et s'ils pointent leurs milliers de fusils sur ton corps ligoté, crie Feu toi-même, c'est leur armée de lâches qui meurt, toi tu vis, abattu et debout, tête haute et colonne droite.
Meurs d'un chagrin d'amour, n'aie aucune honte, c'est la preuve de sa consistance pas forcément la faiblesse de ton petit coeur de naïf. L'écorce de l'olivier n'est pas un poteau électrique, il a des couilles et elles ne ressemblent à aucune autres. Sois Corse, Sicilien, extrémiste des valeurs, de la vertu et d'une vie qui, seule, devrait avoir le droit de se nommer ainsi. Laisse les mollassons de l'extrême prudence mourir à leur heure, au son de musiques même pas révolutionnaires, aller chercher un salut illusoire dans un au-delà qui sent la guimauve et la naphtaline comme l'en-deçà qu'ils auront minutieusement affadi pour ne faire aucune vague, aucun remous pour une vie étale sans iode qui vous chatouille les narines, sans typhons qui vous bousculent les entrailles et sans sel qui vous ravive l'amour de la vie, sans offrir aucun poitrail à l'adversité commune et ordinaire.
Ne cherche pas la gloire, piétine les fourmilières. Ne cherche pas l'éternité, éclaire les nouveaux-nés. Un jour, ils ouvriront un livre, un cahier et oseront t'offrir en exemple à des tout-neufs, eux qui t'ont écrasé de ton vivant, de leur vivant aussi, si notre indulgence nous permet de le nommer ainsi.
Soyez sincères et réfractaires, la vie vous le rendra, même morts !

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