La leçon de la cruche
La cruche est à sa place, à sa place de cruche. Son ombre joue l'ombre, passivement. Le temps s'écoule, immobile. L'objet donne l'exemple qui sait attendre. Le soleil le récompense. Patiente et confiante, la cruche attend l'heure. Pour son utilité, elle est constante, en mouvement ou pas. Ne rien faire, c'est aussi faire quelque chose, ne se dit-elle même pas. Elle est, donc elle fait.
L'exhaltation perd les meilleurs d'entre nous qui veulent bien faire, qui croient mieux faire. Après le beau temps vient la pluie et l'activation enflammée dégonfle les ballons. Que guident les leaders ! Mais qu'ils sachent monter le bivouac avant de se brûler les ailes. Le volontarisme n'a pas bonne presse alors on le défend. Quand par périodes, on lui tresse des lauriers, on tente de le tempérer. La passion se passionne et la fatigue l'oblige fort heureusement pour lui éviter le chaos. Lorsqu'elle échoue, les meilleures intentions et les plus joyeux des feux finissent en cendres inutiles, pas même humus. A trop vouloir, les dieux se meurent.
La photo a plus de puissance que le film. Figée, elle appuie sur mille déclencheurs dans nos esprits féconds, elle nous fait filmer à l'intérieur. Les images en cascade, énervées, veulent trop nous en dire pour nous atteindre, elles nous étourdissent et groggy, nous en sortons ignares. Objet immobile, tu nous contes notre histoire !
La cruche est à sa place et nous désaltère. Elle laisse les danses de Saint-Guy à des boissons publicitaires qui n'offrent que de l'instant sitôt évanoui. La cruche dure de ne point chercher d'effet. Humble et silencieuse, elle fait sans rien faire.