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2 septembre 2020

Au bout d'une route à lacets

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Il y a quelques mois, lorsque nous cherchions un autre lieu de vie, plus rural, plus calme, nous avions établi une liste de critères plus ou moins indispensables qui auraient balisé le chemin vers l'endroit idéal. Comme toujours, la réalité vous fait changer les hiérarchies de ces critères et d'un coup, on s'aperçoit que la maison plaît tellement que la perspective de devoir faire quinze kilomètres, en lacets, pour remplir le réservoir de la voiture ou retirer de l'argent à un distributeur, prend soudainement beaucoup moins d'importance.

L'éloignement de la famille et des amis, digérés, il restait peu d'indispensable. L'âge aidant, le souci d'un médecin et d'un hôpital proches se sont invités. (Le premier est dans la rue et le second à quinze minutes, toujours en lacets).  Mais, sans le dire ouvertement, je restais, pendant la période de recherche, attentif à la proximité d'une librairie. Je prenais même cela comme un caprice, puisque celle d'une boulangerie ne m'effleurait pas. On ne va pas dans une librairie tous les jours. On peut acheter en ligne, courir les brocantes, chercher une bibliothèque. Et, en tout état de cause, on ne meurt pas de faim d'être à quelques, toujours les mêmes, lacets d'un libraire. Il me fallait me raisonner.

N'empêche qu'à chaque belle annonce de maison, je consultais mon ordinateur pour trouver la librairie la plus proche, y dénicher les commentaires et évaluer distance et temps de parcours pour l'atteindre. Il faut ajouter qu'étant citadin jusque là, j'en trouvais toujours une à portée de chaussures. Mais il ne suffit pas de trouver une librairie, il convient ou plutôt il m'importe de trouver LA librairie du coin, la référence de la région. Là où l'on ouvrira un compte de fidélité. 

J'avais mes habitudes à la Librairie Masséna à Nice et même si j'avoue quelques infidélités du côté de Jean Jaurès ou Des Parleuses, parfois même de La Pléiade à Cagnes-sur-mer, je m'y sentais chez moi. Anonyme, client discret, pas du genre à tutoyer le libraire ou à engager des conversations littéraires, non, juste un client, un client heureux.

J'aurais bien posé mes penates à Montpellier pour traîner dans les rayons de la Librairie Sauramps, à Rennes chez Le Failler, à Soulac chez L'Oncle Tome pour celles qui viennent à l'esprit mais qui dépassent largement le rayon de recherche. J'ai, un temps, rêvé du Bleuet à Banon, la plus merveilleuse des librairies. Un peu trop loin cependant et aucune maison ne s'est offerte à nous dans ce très joli village. 

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Je me suis rabattu, sans enthousiasme, sur Lo Païs à Draguignan. C'est la plus fournie de la ville. Un peu trop de cartes postales, de gadgets et de commerce grand public à mon goût, mais il faut bien vivre et c'est l'air du temps. J'y trouve mon compte, même celui de fidélité. J'en reviens. J'y ai dépensé le budget cigarettes que je n'ai jamais eu. (C'est ma façon de me rassurer sur mes dépenses). Je pars toujours, néanmoins, en voulant limiter les dégâts, persuadé que je ne prendrai que des poches. Invariablement, je craque pour une nouveauté. Le mois dernier c'était La Vie Ordinaire d'Adèle Van Reeth, cette fois-ci c'est Yoga d'Emmanuel Carrère ; après trente pages, il promet.

On peut trouver son bonheur aussi, au bout d'une route à lacets.

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