Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Singulier Pluriel
Singulier Pluriel
Publicité
Singulier Pluriel
Derniers commentaires
Archives
28 novembre 2020

La sensation de Venise

01 juin 2018 (71)

Rien ne m'a alerté. Depuis le matin, tout semblait normal. J'ai vaqué à mes habitudes et à mes rituels. Nous sommes allés au marché. Oranges et clémentines ne m'ont rien soufflé. Pas plus que chou vert et poireaux. Le ciel était gris et le vent soufflait fort. Novembre ressemblait à novembre. Tout était dans ses rails. J'ai repris un café et la lecture de mon Proust en cours.

C'est à ce moment-là que c'est arrivé. J'ai ressenti comme un enveloppement. J'étais attaqué par l'extérieur. J'avais changé d'ambiance. J'étais comme transporté dans du coton. J'ai eu une sensation de Venise comme on a une révélation. Un goût dans la bouche, un parfum dans l'air, une caresse sur la peau. Envahi. Englouti. 

J'ai eu beau chercher une raison, un bouton sur lequel ma mémoire avait appuyé, une madeleine trempée... Rien. J'ai été transporté sans m'en rendre compte. Bien sûr, j'ai commencé par refuser l'état. Trop mièvre. Trop puéril. Ma résistance fut de courte durée. Et, miracle de l'acceptation, j'ai fondu.

Me voilà, vautré, liquéfié dans des sensations sublimes et relaxantes. C'est la paix, l'absolu, la perfection. Venise est partout. Dedans, dehors, dans l'esprit et dans le corps, dans le présent et le passé. Comment ai-je pu enregistrer toutes ces émotions, toutes ces images et toute cette ambiance en deux courtes escapades déjà lointaines dans le temps ? Et surtout, comment mon être a pu restituer d'un coup, sans interrupteur, cette masse d'informations stockées on ne sait où ? 

C'est très agréable. Je n'en demandais pas tant pour ensoleiller cette journée automnale. Je sens sous mes doigts les dalles séculaires qui font le quai de l'île de la Giudecca. J'entends le bruit du vaporetto qui m'emmène à Burano. Je goûte à nouveau le Lambrusco apprécié dans un restaurant de la Calle dei Forni. Les photos défilent dans ma tête aussi. Ce n'est plus du souvenir ou de la nostalgie, c'est Venise intégrée, gravée à jamais. Et qui, sans qu'on ne lui demande rien, est venue habiter l'espace intérieur comme extérieur le temps d'une journée qui se voulait sans histoires. 

Ces mystères-là s'invitent rarement. Il convient de les accueillir sans chercher à comprendre. Et, accessoirement, de les partager. Moments de grâce, ils soulèvent et élèvent. Prenons-les sans mesure.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité