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18 décembre 2020

Un petit garçon

P1070516

Je n'en finirai jamais de dialoguer avec ce petit garçon de sept ans. Il marche encore dans ma mémoire, une malle de questions sur le dos. Déjà les yeux ouverts et les oreilles impatientes. Il veut savoir. Il veut comprendre. Le regard vers l'arrière, il analyse, puis fixé sur l'horizon, il cherche à deviner. Il ne sait pas encore que c'est lui qui construira son chemin, chargé de tout ce qu'il n'a pas choisi à la base.

Il est un peu perdu. Bien qu'entouré, il sent le poids de la solitude. Monsieur le Curé et l'institutrice n'ont pas réponse à tout. Et puis, ils sont les représentants du pays d'accueil, ils ne peuvent pas comprendre totalement ce petit garçon de Ritals. Sa mère qui tire tant bien que mal sa charrette dont les roues ont oublié d'être huilées par la vie, sa progéniture à l'intérieur et son courage à la tâche, ne le comprend pas. Elle est vaillante, elle est pratique. Louve d'un côté et tenante d'un matriarcat dévastateur de l'autre. Elle avance, elle se bat. Et le petit garçon ne suit pas. Il a soif de connaissance et surtout de poésie. Et comme jamais la poésie n'a rempli les assiettes, Marche ou crève, disaient l'époque et la mère. Lui, seul, largué, il s'accrochait et se fatiguait à chercher le sens des choses. A sept ans. Ou un peu plus. Ou un peu moins. Mal dans son corps, il attendait l'écho de ses réflexions. Il en trouva parfois chez son père. Mais il fallut aller le chercher au marteau-piqueur tant celui-ci était fermé. Fermé parce qu'enfermé dans son vécu. Tout ce que le père lui transmettait, le petit garçon le prenait, le coloriait puis le rangeait bien droit, soigneusement dans sa mémoire. Il apprit l'histoire et la géographie de son père. Il s'en imprégna. Surtout des noms propres. Il alla arracher les informations dans une tête paternelle bien remplie et si peu ouverte, étouffée qu'elle était par la survie et l'exigence de faire. 

Aujourd'hui encore, les petits garçons m'émeuvent. Surtout les timides et les maladroits. L'identification est automatique. Je voudrais tous les sauver, leur dire que leur mal-être est beau, c'est celui des ambitieux, des sensibles, des généreux. Leurs pensées sont belles et c'est l'environnement qui est détestable à vouloir être performant, violent, à marches forcées. Je leur souhaite de le comprendre vite, de ne pas rester, comme moi, toute une vie, un petit garçon.

(Les filles, ce n'est pas pareil. Le petit garçon de tous les temps, les croit dotées d'une faculté supplémentaire. Elles ont des informations que nous n'avons pas disait Philippe Labro dans une interview. Elles sont plus pragmatiques et plus adaptées. A trop les sublimer, j'en ai perdu ma confiance envers les hommes. Je les croyais l'avenir de ceux-ci et j'en oubliais, comme disait Brel, que d'entre elles les connes ne ressemblent qu'aux connes. Aussi, mon émotion est souvent muette devant les petites filles. Je ne leur prête pas les souffrances et les interrogations des petits garçons. C'est comme ça. Mon statut m'influence.)

Le petit garçon me parle encore souvent, quand je ne sais pas si je dis le mot juste, quand mes bras m'encombrent, quand mes poumons réclament du sensible et que mes pas reculent devant le prosaïque et le vulgaire. Je l'aime bien sûr, je le comprends. Et tous les jours, toutes les heures de ma vie, je voudrais l'aider, le sauver, l'embrasser. Son inadaptation a semé des graines d'anxiété pour des vies qui n'en avaient pas besoin. Et pourquoi donc la poésie n'est pas le premier lait de l'enfance et la douceur, le lit de l'existence ? 

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